Nombreuses sont les femmes qui vont à la mosquée pour la prière des Taraouih, une aubaine pour des rencontres amoureuses. Travailleuses, étudiantes ou femmes au foyer, les journées des femmes algériennes, durant le mois de Ramadhan sont identiques. Leurs soirées aussi. Après une journée épuisante entre les courses, les enfants, la cuisine et autres tâches ménagères, comment la femme algérienne passe-t-elle ses soirées ramadhanesques? Alors que les hommes, célibataires ou mariés, préfèrent passer les veillées de ce mois sacré dans des cafés à discuter entre copains et à jouer aux dominos, à aller dans des kheïmas ou simplement à flâner dans les dédales de la ville, les femmes, elles, n'ont pas cet embarras du choix. Jugez-en. De nos jours, tout porte à croire qu'aller à la mosquée est devenu «tendance» pour les femmes lors des Ramadhan de ces dernières années. Les sketchs, feuilletons et autres variétés diffusés par la Télévision algérienne ne semblent plus attirer autant de téléspectatrices qu'autrefois. Après une journée harassante à s'affairer autour des fourneaux, nombreuses sont les femmes, vieilles, jeunes et moins jeunes, à choisir la mosquée pour passer les soirées. Pas toujours pour les mêmes raisons. Une petite virée auprès des mosquées a démontré les multiples facettes d'un acte censé être religieux. Mis à part une minorité qui, convaincue, y va pour se rapprocher de Dieu en ce mois de piété, et cela en accomplissant la prière des Taraouih, les autres semblent avoir d'autres motifs derrière la tête. Ainsi, il y a celles qui fréquentent ces lieux de culte uniquement pour avoir «un moment de détente», rencontrer d'autres femmes et discuter avec elles. «C'est toujours un plaisir de pouvoir joindre l'utile à l'agréable», comme l'a fait remarquer, doctement, Keltoum, une habituée de la mosquée El Badr à Blida. Pour Nachida, la vingtaine, rencontrée à la sortie de la mosquée Othmane de Bouzaréah à Alger, aller à la mosquée est «un projet matrimonial». Selon cette étudiante universitaire, «il n'y a pas mieux que de rencontrer le grand amour sur le chemin de Dieu». A ce sujet, son accompagnatrice a expliqué que nombreuses sont les femmes à s'être mariées «via cette méthode». D'après elle, il y a celles qui laissent leurs photos collées à un bout de papier où est mentionné leur numéro de téléphone à l'intention de ceux qui nettoient les salles de prière qui sont, pour la plupart, de jeunes célibataires. «Moi-même je me suis mariée de cette façon. Je trouve cela avenant et ingénieux en même temps. C'est une chance pour celles qui n'ont pas l'occasion de sortir de chez elles et de rencontrer l'âme soeur. Mais aussi pour les célibataires d'un certain âge et les femmes divorcées», a confié Ilham, une moutahadjiba, rencontrée près de la Grande-Mosquée d'Alger. Une bonne chasse est tout ce qu'on peut souhaiter à ces femmes en quête d'une idylle amoureuse. Dans ce contexte, rappelons une anecdote qui s'est passée durant le Ramadhan de l'année dernière. L'imam d'une mosquée à Blida a dû, lors de son prêche, mettre en garde les parents sur un phénomène qui prenait de l'ampleur. En effet, des jeunes filles se rendaient à la mosquée pour, soi-disant, faire la prière «en groupe». Cinq minutes plus tard, elles en ressortaient pour rejoindre leurs copains garés dans des véhicules de luxe ou d'occasion tout au long de la rue mitoyenne à la mosquée. Des «situations» de ce genre ont été rapportées dans beaucoup de nos grandes villes. Des comportements que déplorent les nostalgiques de la qaâda d'antan. Et comment! Jadis, à l'époque de nos mères et grands-mères, elles se réunissaient, chaque soir, chez l'une d'entre elles. Elles jouaient à la boukala (jeu de devinettes), s'adonnaient à des activités de broderie, de chbika, de fetla et de medjboud. Le tout agrémenté d'un thé parfumé à la menthe fraîche et de gâteaux tels que makrout, kalb ellouz, ktaïf ou encore la délicieuse ghribia et la fameuse samsa. Les soirées, à cette époque-là, se succédaient sans se ressembler. C'étaient de grands moments de plaisir et de complicité, mais aussi de partage et de communion. Cependant, autres temps, autres moeurs. Avec la vague de terrorisme intégriste qui s'est abattue sur l'Algérie pendant plus d'une décennie, les comportements au sein des familles ont changé. Plus de veillées à l'extérieur des maisons jusqu'à des heures tardives de la nuit. Durant cette période où les attentats et assassinats ont connu une forte recrudescence, passé 17h00, il était impossible de rencontrer une femme dehors, même accompagnée. Dans ce décor de peur et de terreur qui a marqué les années 90, les femmes se sont détournées des veillées d'autrefois. Du coup, les traditionnelles soirées chez la voisine de l'immeuble d'en face ont disparu. «Malgré la nostalgie, les femmes ne voulaient pas jouer aux téméraires et risquer leur vie pour un moment de papotage entre voisines», s'est rappelée Nadia, femme au foyer, en regrettant, toutefois ces «moments inoubliables où le savoir-vivre avait sa place dans les mentalités et le comportement des Algériens». Fataliste ou plutôt philosophe, elle a expliqué que les femmes ont fini par s'habituer à cette énième «privation». Malgré tous ces chamboulements, les femmes algériennes s'accordent à dire que le Ramadhan est une période particulière sur le plan religieux comme sur le plan social. Cela se ressent d'ailleurs sur la vie quotidienne pendant tout ce mois.