Les résultats de 100% des bureaux sont attendus dans les prochains jours, mais avant leur validation, des milliers de plaintes pour fraude doivent encore être traitées. Des mois sombres attendent l'Afghanistan après une élection présidentielle contestée qui a ouvert une grave crise politique, préviennent des experts, alors que les violences sont à leur apogée et que la population ne croit plus en ses dirigeants et l'Occident. Les derniers résultats partiels du scrutin, sur 95% des bureaux de vote, placent le président sortant Hamid Karzaï en tête avec 54,3% des voix, devant l'ancien ministre des Affaires étrangères Abdullah Abdullah (28,1%) qui l'accuse de fraudes massives. Les résultats de 100% des bureaux sont attendus dans les prochains jours, mais avant leur validation, des milliers de plaintes pour fraude doivent encore être traitées, faisant craindre que les résultats définitifs ne tombent pas avant plusieurs semaines. Un éventuel second tour, impossible à tenir dans le rude hiver afghan, pourrait du coup être repoussé au printemps, ouvrant la voie à «plusieurs mois de crise politique», note Haroun Mir, du Centre afghan de recherches et d'études politique. Et alors que «le mandat présidentiel de Karzaï, achevé en mai, avait été prolongé» péniblement jusqu'aux élections, la population, qui «n'a plus confiance en ses dirigeants et l'Otan à cause de cette crise», va peut-être assister à un nouvel imbroglio constitutionnel, craint-il. Les partisans de présidentiables vaincus pourraient également recourir à la violence s'ils jugeaient les résultats du scrutin dictés par la fraude, mais «pour le moment, les candidats ont toujours appelé à rester calme», se rassure un diplomate occidental. Le prochain chef d'Etat affrontera dans tous les cas une situation peu enviable, avec une corruption endémique et un Etat incapable de contenir des violences atteignant des niveaux record. «La façon dont le nouveau président résistera» aux chefs de guerre et leaders religieux ou tribaux venant réclamer les postes honorifiques promis pendant la campagne «est cruciale, car l'Afghanistan a désespérément besoin de vraies compétences», estime un autre diplomate. Mais dans pareille configuration, «il est complètement illusoire de penser que l'Afghanistan aura un gouvernement stable d'ici 12 à 18 mois», juge la chercheuse Mariam Abou Zahab, du Centre français d'études et de recherches internationales (CERI). Quant aux dirigeants occidentaux, confrontés à des opinions publiques qui n'acceptent plus leur engagement militaire, ils cherchent à obtenir rapidement des résultats. 100.000 soldats étrangers, aux deux tiers américains, sont stationnés en Afghanistan et leurs pertes atteignent des records. Les pays impliqués ont beau appeler à négocier avec les taliban, ces derniers, dénonçant «une élection truquée», exigent en préalable que «les envahisseurs étrangers quittent le pays». Abdullah et Karzaï ne seront pas non plus des interlocuteurs, car «nous voulons leur élimination à tous les deux», assène un porte-parole des taliban, Yousuf Ahmadi, jugeant la situation «très bonne» pour son mouvement. Face à cette porte close, la force militaire de l'Otan a annoncé une nouvelle stratégie visant à gagner la sympathie des civils, premières victimes du conflit. Mais «les Occidentaux ne vont jamais gagner les esprits et les coeurs, c'est trop tard», selon Mariam Abou Zahab. Certains dirigeants étrangers demandent dorénavant un retrait d'ici quelques années, lorsque les rangs des forces de sécurité afghanes seront assez fournis pour pouvoir tenir le pays. Le secrétaire américain à la Défense Robert Gates n'a pas dit autre chose lors d'un récent point de presse à Washington: «le succès serait que les forces de sécurité afghanes assument un rôle de plus en plus important (...) au fur et à mesure que nous nous cantonnerons à un rôle de conseillers et que finalement nous nous retirerons».