L'Etat doit présenter des excuses aux familles des disparus pour tourner la page d'une sombre époque. A ceux qui pensent le contraire, Farouk Ksentini, président de la Commission consultative nationale de promotion et de protection des droits de l'homme (Ccnppdh), rappelle qu'il a le droit de dire tout haut ce qu'il pense tout bas de l'amnistie générale. «Ce n'est pas une question taboue je pense que je suis en mesure d'exprimer mon opinion sur l'amnistie comme tout autre Algérien», décidément très gêné par le feed-back de ses déclarations quelques jours auparavant sur les ondes de la Radio internationale et dans lequel il a annoncé l'année 2010 comme celle du référendum sur l'amnistie. Ksentini a décidé de riposter à sa manière à partir du Forum hebdomadaire d'El Moudjahid. Rappelons dans ce sens que deux hauts responsables de l'Etat, à savoir le Premier ministre Ahmed Ouyahia et le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, ont contredit en des termes à peine voilés les propos de Ksentini. Renvoyant la presse et l'opinion internationale au président de la République, «seul en mesure de trancher la date et les procédures». Le président de la Ccpnppdh partage le principe, en soulignant que «l'amnistie générale relève des seules prérogatives du président de la République. C'est lui l'initiateur de la Réconciliation nationale et il lui appartient de finaliser cette démarche». Cela ne l'a pas empêché d'exprimer tout haut son avis sur le dossier. Sur ce chapitre, l'orateur décrète «inévitable» le recours à l'amnistie générale pour ramener la paix totale en Algérie. Pour le conférencier, la Réconciliation nationale a besoin d'un second souffle, voire de l'élargissement de l'amnistie générale, mais à la condition que tous les terroristes encore en activité se rendent ensemble et en même temps, et que le peuple algérien soit de nouveau consulté par voie référendaire sur cette question. Ksentini propose l'élargissement des dispositifs de l'amnistie aux prisonniers des camps du Sud estimés entre 15.000 et 18.000. Une proposition dans ce sens a été déjà soumise au président de la République. Il a tenu à souligner que cette amnistie ne «doit concerner que le volet lié au terrorisme et non les personnes condamnées pour des délits de droit commun». Au sujet des disparus, l'invité du Forum du quotidien El Moudjahid affirme que 98% des familles ont accepté le principe de l'indemnisation et une minorité exige la vérité sur la disparition de leurs proches. Encore une fois, ce dernier souligne que l'Etat, et afin de réconforter toutes les familles des disparus qui n'ont pas encore fait le deuil, doit présenter des excuses officielles pour soulager les familles et tourner la page d'une sombre époque. M.Ksentini a relevé, d'autre part, à cette occasion des «difficultés d'ordre bureaucratique» ainsi que des «insuffisances» dans les dispositions de mise en oeuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. A une question sur l'état des prisons en Algérie, le président de la Ccnppdh a noté une «nette amélioration» dans les conditions de détention des prisonniers, tout en notant que ces conditions sont appelées à s'améliorer davantage avec la réception, en 2010, de nouvelles infrastructures pénitentiaires. Il a, en outre, réfuté catégoriquement les allégations de certaines organisations étrangères, selon lesquelles il existerait des prisons secrètes en Algérie. «Ces accusations, qui relèvent de la fiction et de la pure fabulation, veulent ternir l'image du pays pour des raisons politiques», a-t-il affirmé. Sur la détention préventive, M. Ksentini a indiqué avoir formulé des propositions dans son rapport au chef de l'Etat, visant à réduire au maximum la période de cette détention. La commission propose aussi de réduire la durée de l'emprisonnement à une année judiciaire au lieu d'une année civile. Autrement dit, les 12 mois passeront à 9. Au sujet des prisonniers algériens en Libye, Ksentini a indiqué avoir été informé sur des cas de «tortures» par les familles des détenus, ajoutant que si ces pratiques venaient à être confirmées, la Commission qu'il dirige ne pourrait que les déplorer. Le conférencier s'est félicité, cependant, de la libération de certains prisonniers algériens après avoir été graciés dernièrement par le Guide de la Révolution libyenne, le colonel Mouâmar El Gueddafi. Abordant le phénomène des harraga (migrants clandestins), il a plaidé pour la dépénalisation de l'acte. Il avantagera des solutions sociales à ce fléau, à travers notamment la création d'emplois au profit des jeunes concernés. Par ailleurs, et évoquant le rôle de la Ccnppdh, il a affirmé que la Commission qu'il préside est «totalement indépendante» et que sa création en 2001 «répond au besoin de promouvoir davantage les droits de l'homme en Algérie».