Dans un discours prononcé dimanche à l'occasion de la fête de son parti, à Milan, le chef du gouvernement italien a de nouveau fait allusion à la couleur de peau du président américain. «Je dois vous porter les salutations d'un homme qui s'appelle, qui s'appelle... attendez, c'était quelqu'un de bronzé. Barack Obama!», a lancé, à la cantonade, Silvio Berlusconi. Un tonnerre d'applaudissements a accompagné, ce que El Cavalieri ne manquera pas de qualifier de «blague affectueuse» sans aucun doute pour se défendre. Devant les sympathisants de son parti, le Popolo delle Libertà (Le peuple des libertés) et les ministres de son gouvernement, il en rajoute une couche: «Vous ne le croirez pas, mais ils sont deux à être allés à la plage pour prendre le soleil parce que même sa femme est bronzée», ajoutant à son tableau de chasse l'épouse du président des Etats-Unis. Y a-t-il une explication à cette incartade? L'incident diplomatique a été, paraît-il, frôlé de justesse lorsqu'à la fin du sommet du G20 qui s'est tenu à Pittsburgh, Silvio Berlusconi a tenté de faire la bise à la première Dame des Etats-Unis, pour prendre congé du couple présidentiel, sous l'oeil embarrassé de son époux. Alors que le chef du gouvernement italien s'attendait à une accolade chaleureuse, Michelle Obama lui a tendu la main, freinant les ardeurs du «séducteur» italien en le maintenant à distance respectable. Ce qui ne fut pas le cas avec le couple britannique, français ou encore la chancelière allemande Angela Merkel. «Madame Obama en a décidé ainsi: si une femme devait être prise en photo avec Berlusconi, cela n'allait certainement pas être elle», a ironiquement fait remarquer un journaliste du quotidien anglais The Telegraph. Une humiliation que le chef du gouvernement transalpin n'a sans doute pas digérée. Sauf qu'il «s'attaque» à l'homme le plus puissant de la planète qui, de surcroît, a des origines africaines qu'il porte fièrement. Il faut rappeler qu'au mois de novembre 2008, au cours d'une conférence de presse à Moscou, Berlusconi avait déjà qualifié le premier président noir des Etats-Unis de «beau et bronzé». Ce qui a fait dire à Massimo Donadi, chef des députés du parti Italie des valeurs: «Avec ses réparties lourdes et malheureuses, Berlusconi discrédite l'Italie sur la scène internationale. Jamais un président du conseil n'est tombé aussi bas.» Le Cavalieri avait traité à l'époque ses détracteurs «d'imbéciles». En récidiviste notoire, il persiste et signe. Il renouvelle sa blague. Chassez le naturel, il revient au galop! C'est à croire que lorsque des réactions aussi «épidermiques» sont inscrites dans les gènes d'un individu, elles y demeurent pour l'éternité. Et quand on en souffre, elles resurgissent à des moments inattendus sous forme de blagues, de plaisanteries. Un trop-plein qui ne peut plus être géré et dont l'inconscient doit être libéré. Il fait la démonstration de ce que l'être humain porte de plus abject en lui: le complexe de la race supérieure. Celui qui a tissé le lit de toutes les idéologies fascistes. L'homme blanc par rapport à l'homme noir. L'Occidental par rapport à l'Arabe. Le chrétien par rapport au musulman et au juif. Certains parleront de «choc des civilisations ou des religions». Des concepts très en vogue qui arrangent les affaires des anciennes puissances colonisatrices et qui escamotent leur dessein inavoué sur lequel s'est construite et consolidée leur domination: le pillage des richesses des pays colonisés et la déportation d'êtres humains. Ces esclaves arrachés à la terre d'Afrique, qui ont contribué à faire des Etats-Unis la première puissance de la planète et, qui ont enfanté le premier président noir d'Amérique. Oui! Le racisme a pour terreau la domination économique et il s'y manifeste à travers elle lorsque la conjoncture économique devient difficile. D'ailleurs, ne demeure-t-elle pas la première raison invoquée par certains pays pour justifier leur politique en matière d'immigration? «La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde!», avait malencontreusement déclaré, il y a près de 20 ans, l'ex-Premier ministre français Michel Rocard. Jean-Marie Le Pen, le président du Front national, en a fait tout simplement son fonds de commerce. Le racisme est une maladie incurable. Sa manière douce se véhicule à travers des blagues et des plaisanteries. Des messages que tentent de savamment distiller les hommes politiques envers un électorat plus que jamais sensible aux thèses racistes et populistes, en ces moments de crise économique.