Alors qu'elles sont gratuites, anonymes et à la disposition des citoyens, ces lignes sont mises à l'index «Pour tout renseignement, ce numéro vert est à votre disposition.» Comme un leitmotiv, cette formule revient à différentes occasions: inondations, séismes, pandémies... Censés être mis à la disposition de la population pour assister, orienter, dénoncer ou tout simplement informer, les citoyens s'étonnent que ces numéros ne soient pas opérationnels. Les exemples ne manquent pas. Dès l'enregistrement du premier cas de grippe porcine en Algérie, le ministère de la Santé a mis à la disposition des citoyens un numéro vert, le 3030, pour répondre à toutes leurs questions. Quelle ne fut leur surprise en ne trouvant personne au bout du fil lors de leurs appels. «Je ne comprends pas cette attitude d'une autorité officielle, surtout dans un moment de crise où tout le monde n'aspire qu'à être rassuré», s'est indigné Nabil, émigré rentré de France. «Me sentant sujet à une grande faiblesse et souffrant de fièvre et de nausées après mon voyage, j'ai été content que nos responsables aient pensé aux citoyens en mettant en place une cellule de crise et un numéro vert. Toutefois, j'ai vite déchanté en constatant que ce numéro n'est pas opérationnel», a-t-il précisé. Dans le même contexte, d'autres cas ont été rapportés. Sihem, jeune fille de 15 ans, est régulièrement battue par un frère violent et drogué. Le jour où elle a pris connaissance de l'existence du 3033, numéro vert mis en place par le réseau Nada pour signaler les cas de violence contre les enfants, elle poussa un grand ouf de soulagement. Malheureusement, ce fut une sensation éphémère. «Tentant de le rejoindre à maintes reprises, le résultat était toujours le même: personne au bout du fil», s'est-elle désolée. Dire que le cauchemar qu'a vécu cette adolescente, parmi des centaines de milliers d'autres, aurait pu cesser si le numéro était opérationnel. Quant à Moncef, un orphelin de 11 ans, la vie dans toute son hideur ne l'a pas épargné. Subissant les sévices sexuels d'un cousin pervers qui avait le triple de son âge, il n'a pu avouer son malheur qu'à sa pauvre maman. Cette dernière, ne savait plus à qui s'adresser. «Craignant des représailles mais surtout la honte, j'ai préféré appeler le 3033 au lieu de déposer une plainte. On m'a dit qu'une équipe de psychologues et d'hommes de loi est mobilisée pour prêter aide et assistance», a-t-elle confié d'une voix empreinte d'amertume et ses yeux reflétant un chagrin douloureux à supporter. Après un lourd silence, elle enchaîna: «Hélas, le numéro ne fonctionnait pas et j'ai dû déménager pour nous éloigner du violeur de mon enfant. Cependant, je me demande pourquoi on se moque des gens en leur faisant croire qu'une oreille attentive est au bout du fil pour écouter les déboires des malheureux, alors qu'en vérité il n'en est rien.» Cette sentence est partagée par des centaines de personnes qui ont eu recours à des numéros verts. Le 1573 du consulat de France, le 1536 du consulat de Belgique, pour ne citer que ces chancelleries étrangères, le 3045 de la Commission nationale de la santé et des droits du malade ainsi que le 1115 de la direction de la santé de la wilaya d'Alger ne sont pas opérationnels. Le hic est que ces différentes «institutions de prestige» n'ont rien fait pour mettre fin à cette situation qui affecte leur image de marque et leur sérieux. En conclusion, la mise en place d'un arsenal de contrôle approprié devient un impératif. Ou alors il va falloir installer un numéro... rouge pour dénoncer ces numéros verts.