Cette année, la 20e édition du Festival de Fameck rend hommage, de nouveau, à l'Algérie à travers une palette d'activités et la programmation de plus de 15 films algériens entre récents et anciens. A Fameck, il fait froid. Pour ceux qui ne la connaissent pas, c'est une ancienne ville ouvrière de l'est de la France. Elle se situe à 30 kilomètres de Metz. Fameck qui se trouve en Moselle est à forte concentration maghrébine et d'immigrés d'origines diverses. Elle est même réputée pour ses quartiers chauds. Elle fut l'un des endroits stratégiques de la sidérurgie jusque dans les années 1980. Une industrie qui, faut-il le noter, a fait appel à une forte main-d'oeuvre d'origine maghrébine ou de provenance des pays du Maghreb. Organisé par la Ligue de l'enseignement de la région de Moselle, à la Cité sociale, point de chute du centre culturel où activent de nombreuses associations, cette manifestation se veut, selon René Cahen vice-président de la Ligue de l'enseignement (Fédération des oeuvres laïques de Moselle) et de Mario Giubilei, président du festival, un «point de rencontre entre cultures, générations, cinéma et spectacles». Le festival n'est qu'un segment d'activités parmi les innombrables actions d'éducation et de partage culturel dans la région (zero Front national) qui contribue à diffuser la culture de l'autre dans un esprit de tolérance et respect en diffusant tout film lié à la culture arabe. Cette année, la 20e édition du Festival de Fameck rend hommage, de nouveau, à l'Algérie, à travers un panel d'activités et la programmation de plus de 15 films algériens entre récents et anciens. Le président d'honneur du festival cette année, le grand écrivain Yasmina Khadra, était là à l'ouverture, le 07 octobre dernier où il est venu animer plus de deux conférences et aller à la rencontre des lycéens. Le réalisateur algérien, installé aux Pays-Bas, Hakim Traïdia, a animé hier une rencontre avec les stagiaires de la Ligue de l'enseignement autour du cinéma et y a apporté son savoir et connaissance autour du cinéma algérien. Outre le cinéma, la musique est aussi omniprésente durant ce festival qui s'étalera jusqu'au 18 octobre. Se produiront, en effet, les artistes Rachid Taha, Amina Aloui, sans oublier l'organisation de plusieurs expositions d'arts plastiques et un spectacle de danse contemporaine signé par la compagnie algérienne installée en France, Kafig. Le programme cinéma est riche et diversifié. Le public est invité à venir tous les jours regarder des films dans plusieurs salles. La Cité sociale en dispose plus d'une déjà, bien confortables, modulables, pratiques également pour les concerts. La grande salle a été bien équipée en matière technique depuis 5 ans. Le même matériel est déployé à travers des projections itinérantes dans la région. Le festival n'a de cesse de connaître un essor certain. L'Algérie à l'honneur cette année, il y a de quoi se régaler grâce à une programmation de qualité. Chaleureux et avenant, le festival est géré par un personnel professionnel dont la plupart sont des bénévoles. Mario, René, Rudi, Maude, sans oublier bien sûr Mahdjouba, la responsable en communication, le festival se veut ouvert sur la culture arabe, orientale plus particulièrement où sont déclinées plusieurs facettes du monde arabe via un éventail de 30 films très différents. Le festival décerne habituellement trois prix auxquels s'ajoute cette année un nouveau, celui du Prix spécial 20e Festival, qui vient accompagner celui de la presse, le Prix public et le Prix de jeunesse. Le jury du Prix presse était composé de huit journalistes (radio et presse) de nationalités différentes (Maroc, Tunisie, Algérie, Allemagne, France, etc. et ce, vendredi dernier. Trois films sur quatre ont été amenés à être jugés, quant au quatrième il a été tout bonnement annulé, car la copie du film, à savoir, Casanegra de Nour-Eddine Lakhmari, n'est pas arrivée. Faisant partie du jury presse, le travail a été rude d'autant qu'aucun film ne sortait du lot ou constituait vraiment un coup de coeur. Tu te souviens d'Adil? du Marocain Mohamed Zineddine, se passe entre le Maroc et l'Italie et brosse le tableau de deux copains, l'un aventurier prétendant à la harga qui réussira à rejoindre son frère à Bologne alors que son ami, plus sage entend simplement mener une vie normale chez lui au Maroc. Les choses ne se passent pas comme prévu. A côté de ses velléités d'intégration, se noue une affaire de drogue et de mafia. Alors que le jeune trafiquant de drogue meurt assassiné à cause d'une sombre affaire de contrebande, l'attentat l'ayant dégommé dans sa voiture est assimilé à l'oeuvre d'Al Qaîda et provoque la zizanie dans ce pays. Un peu décousue comme histoire, mettant en scène des personnages sans grande profondeur, le film a été pourtant plébiscité et choisi en dernier ressort parmi la liste de films proposés car en fin de compte, il s'est avéré comme étant celui qui soit le plus proche de nous, narrant une histoire simple avec émotion. Le second Talthoon, du Tunisien Fadhel Jaziri, a déplu. Trop de verbiage et d'esthétisme hésitant, partagé entre la théâtralité et le docu-fiction, le film laissera sur sa faim les membres du jury, à l'exception de quelques-uns qui ont apprécié tout de même la beauté de la poésie du poète Aboulkacem Ech Chabi. Film historique en fait, Thaltoon relate l'histoire de trois jeunes amis qui sont devenus de véritables mythes dans la société tunisienne: M'hamed Ali El Hammi, fondateur de la première organisation ouvrière autochtone, son cousin Tahar Hadda, fondateur du code de statut de la liberté, défenseur de la liberté, notamment de la femme et Aboulkacem Ech Chabi, qui a révolutionné la poésie tunisienne en instaurant un rapport nouveau à la langue. Le troisième film produit par la boîte Good News (présente également avec le film La Nuit du babydoll), est Hassen et Mokos, un film fait par Rami Imam, le fils du grand acteur Adel Imam qui y joue aussi. Le film confronte les deux religions, l'Islam et le christianisme et revendique la tolérance entre ces deux théologies. Le sujet est intéressant car prônant le dialogue des civilisations cher à Mustapha Chérif, et l'acceptation de la religion de l'autre surtout dans le contexte politique actuel. Cependant, mis en scène de façon tellement hollywoodienne, il tombe souvent dans le démonstratif facile. Un film à grand budget, cela s'entend. Il reste à tous les égards, assez moralisateur. Ce qui a beaucoup dérangé le jury. Les deux religions sont représentées par deux hommes, deux grands acteurs, Adel Imam et Omar Sharif. Au final donc, c'est le film marocain qui l'a emporté car déclinant une histoire touchante, celle de ces milliers de jeunes qui rêvent d'un monde meilleur. Un film à creuser et à améliorer surtout sur le plan du découpage avec des potentialités à souligner et des scènes qui laissent à méditer. Outre les films algériens, en force, d'autres encore, de très bons films, comme le dernier d'Elia Suleiman, Le Temps qu'il reste ou encore L'Anniversaire de Leyla du Palestinien Masharoui figurent au menu dans le cadre de sélections spéciales. Parmi les films algériens sélectionnés, on peut citer Mascarades de Lyès Salem, In Land de Tarik Teguia, Les Hors-la-loi de Tewfik Farès, Mimezraine de Ali Mouzaoui, Délice Paloma de Nadir Moknache, La Chine est encore loin, documentaire de Malek Bensmaïl, etc. En somme, un bon programme en perspective que le public de Fameck découvre avec curiosité chaque jour en fréquentant les différentes salles obscures dans la joie et la bonne humeur, rehaussées de thé, de gâteaux orientaux au miel en sus des merguez fumantes qui sont dégustées dans la cour, chaque soir, avec les enfants du quartier. Tout cela ouvre bien effectivement, l'appétit à l'estomac mais aussi des yeux... Pour l'amour du cinéma, de la culture, et partant de la notion d'altérité!