La réunion d'Abuja s'est ouverte alors que Conakry ressemblait hier à une ville morte suite à un mot d'ordre des syndicats guinéens appelant la population à rester chez elle. La Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) a ouvert hier à Abuja une session spéciale pour examiner la situation en Guinée dans un climat de pressions internationales sur le capitaine Moussa Dadis Camara, suite au massacre de fin septembre qui a fait plus de 150 morts selon l'ONU. En ouvrant la session, le président de la commission de la Cédéao, Mohamed Ibn Chambas, a dénoncé une «militarisation du pays (la Guinée) caractérisée par l'usage arbitraire et irresponsable du pouvoir pour réprimer la population». «Les tueries brutales de civils désarmés et sans défense le 28 septembre (...) ne sont que la continuation de la répression qui sévissait sous le régime du président Lansana Conté», a-t-il poursuivi. «Si cette junte passe en force, elle va imposer une nouvelle dictature (...) La Cédéao et la communauté internationale sont aux côtés du peuple guinéen», a encore lancé M.Chambas. Des représentants de l'opposition guinéenne, invités à la réunion des ministres des Affaires étrangères ouest-africains, sont arrivés au Nigeria dimanche soir, conduits par l'ancien Premier ministre évincé Ahmed Tidiane Souare. Evoquant la répression de la manifestation du 28 septembre pour s'opposer à la candidature du capitaine Camara à la prochaine présidentielle, M.Souare a déclaré à son arrivée à l'aéroport: «Les blessures sur ma tête témoignent de ce qui s'est passé.» «Ils nous ont frappés et tués. Plus de 200 personnes ont été tuées par la junte», a-t-il poursuivi, interrogé par la presse nigériane. M.Souare conduit une délégation d'une vingtaine de personnes du monde politique et syndical. Jeudi dernier, Mohamed Ibn Chambas, avait rencontré à Ouagadougou le président burkinabé Blaise Compaoré, le médiateur de l'organisation dans la crise guinéenne, qui s'était rendu à Conakry et demandé à la junte et à l'opposition d'entamer «un dialogue politique» à Ouagadougou. Mais l'opposition guinéenne a posé plusieurs préalables, à commencer par le départ du chef de la junte et l'arrestation des responsables du massacre du 28 septembre. La réunion d'Abuja s'est ouverte alors que Conakry ressemblait hier à une ville morte suite à un mot d'ordre des syndicats guinéens appelant la population à rester chez elle. Parallèlement, les pressions internationales se multiplient sur le capitaine Camara. Dimanche, le président de la Commission de l'Union africaine (UA) Jean Ping a estimé que le «processus» de sanctions contre la junte au pouvoir suit «son cours», une semaine avant l'expiration de l'ultimatum fixé par l'UA pour que le capitaine Camara renonce à être candidat à la présidentielle de fin janvier. Les Etats-Unis et la France ont, par ailleurs, conjointement réclamé samedi une «commission internationale d'enquête» sur le massacre du 28 septembre. La Cédéao, qui a son siège à Abuja, compte 15 pays membres: huit francophones (Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée, Mali, Niger, Sénégal et Togo), cinq anglophones (Gambie, Ghana, Liberia, Nigeria et Sierra Leone) et deux lusophones (Cap-Vert et Guinée-Bissau). La Mauritanie s'en est retirée en décembre 2000.