Affable, Hamid Grine lève le voile sur certains aspects de son dernier roman, Il ne fera pas long feu», un titre assez énigmatique. Dans cet entretien, l'auteur offre aux lecteurs les clés de l'énigme. Seulement, l'aventure ne fait que commencer... L'Expression: Le choix du titre Il ne fera pas long feu reste une énigme, quel en est le secret? Hamid Grine: Pour le choix de mes différents titres, je dois dire que mon expérience dans le domaine de la publicité m'a beaucoup servi. En ce sens, j'ai longtemps exercé également en tant que concepteur-rédacteur à l'étranger. A l'époque, nous travaillions sur des slogans qui résonnent bien. De ce fait, la résonance et la musicalité des mots sont essentielles dans le choix du titre, chez moi. En témoignent les titres de mes différents romans que sont La Dernière prière, La Nuit du henné et Le Café de Gide. S'ajoute à ces deux paramètres, l'impératif de surprendre le lecteur pour mieux l'accrocher. Donc, le choix du titre de ce roman ne déroge pas à la règle. Il court de l'ambivalence apparente entre deux expressions, constamment usitées. Il s'agit de: «Il ne fera pas long feu» et «il fera long feu». Dans le fond, ces deux expressions veulent dire, à quelques nuances près, la même chose. Dans le roman, l'expression choisie pour le titre intervient à des moments-clés... En effet, l'expression court dans le roman pour marquer l'évolution des personnages dans un environnement précis, c'est celui de la presse. Sur ce plan, mon livre constitue la première expérience romanesque décrivant les milieux médiatiques de l'intérieur. Il reflète le regard critique du journaliste que je suis toujours (il insiste), sur la presse. Justement, votre roman dresse un tableau sombre des milieux politico-médiatiques. Pouvoir, sexe, argent, intrigue, coups bas, et la liste est encore longue. Quelle est la part du fictif et du réel dans cette présentation? (Silence)...Tout est fictif et en même temps réel. Dans le sens où la fiction s'apparente à la réalité. Hassoud (le personnage principal) n'est pas un personnage fabuleux. Il est inspiré d'une réalité vécue. Je suis moi-même journaliste. Donc, je décris un monde dont j'ai une conception claire et large, forgée durant des années de pratique. Cela dit, les patrons de presse dont je dresse le portrait à travers Hassoud sont minoritaires. Aussi, je précise que mon personnage évolue dans le cadre d'un roman. En parlant de Hassoud, ce dernier est un patron de journal. Pourquoi ce prénom pour ce personnage, principal de votre livre? C'est un artifice d'écriture. Il fallait diaboliser le personnage. J'aurais pu choisir d'autres prénoms. Seulement, j'ai pris l'habitude de choisir des prénoms de répulsion. C'est une manière, pour moi, de dresser des portraits contrastés de mes personnages. Pour la démonstration, Hassoud (en français l'envieux), fait partie de cette espèce de nouveaux parvenus qui s'accrochent au paraître plus qu'à l'être. Dans son enfance, Hassoud a subi des traumatismes qui ont eu des répercussions certaines sur son évolution. Dans sa quête folle de pouvoir, d'argent et de statut social, il n'hésite pas à se renier. Pis encore, il va jusqu'à envisager un lifting de son visage. Pourtant, en son for intérieur, une flamme subsiste toujours, une lueur d'humanisme, l'amour qu'il continue de porter pour sa mère. Parlons, si vous voulez, de Lakhdar. Ce dernier, rédacteur en chef au journal L'Espoir, fait partie de ceux qui ont renoncé aux idéaux de leur jeunesse. A partir de cet exemple, quelle est la distance entre l'homme et sa signature chez le journaliste d'aujourd'hui? Lakhdar qui a à peu près mon âge, est un excellent journaliste. Il est au seuil de la retraite. Hassoud lui fait une proposition alléchante. Du coup, Lakhdar, qui touchait 25.000 DA, voit son salaire tripler. Alors, pour survivre il vend son âme au diable. En tant que journaliste, quel regard portez-vous sur la liberté de la presse nationale? Nous avons la presse la plus libre au Maghreb. Mais celle-ci est appelée à se professionnaliser davantage, à s'adapter aux normes usitées dans le monde, notamment dans les pays développés. A ce titre, il est impératif de répondre à deux exigences: la formation continue des journalistes et l'amélioration de leurs conditions socioprofessionnelles. A l'époque où je travaillais comme chef de rubrique dans un quotidien national (les années 1980), je touchais 8000 DA. Rares sont les journalistes qui touchent l'équivalence de cette mensualité, aujourd'hui. Pour que le rendement du journaliste s'améliore, il faut lui garantir un cadre lui permettant d'aller de l'avant. Quelle est la fonction de l'écriture chez vous? Dans ma vie, j'ai deux passions: lire et écrire. Paul Léautaud avait dit: «Ecrire, c'est vivre deux fois». Pour moi, écrire c'est vivre tout court.