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D'amour et d'exil
RIEN QU'UNE AUTRE ANNEE DE MAHMOUD DARWICH
Publié dans L'Expression le 03 - 11 - 2009

Edité aux éditions Barzakh, le livre de ce grand poète arabe contemporain est disponible au Sila...
«Tes yeux, une épine me déchirant le coeur et que j'adore protège des intempéries enfouies sous la nuit et les souffrances Sa blessure ravive la clarté des lampes. Son lendemain me fait chérir le présent
Plus que mon âme et j'oublie tout aussitôt, dans la rencontre des yeux Que nous étions une fois, tout deux, derrière la porte!» écrit Mahmoud Darwich dans Un amoureux de Palestine, In Rien qu'une autre année, une anthologie poétique composée de poèmes écrits entre 1966 et 1982 et traduits de l'arabe par Abdellatif Laâbi, laquelle a été éditée récemment par les Editions Barzakh. «Mahmoud Darwich a deux métiers: la poésie et le souvenir. Parfois les deux se rejoignent Avec le poème, le souvenir devient miroir, échelle pour le temps et défaite du sommeil et de l'oubli. Célèbre dans le monde arabe, il n'est pas pour autant ce qu'on appellerait un "poète militant". Son engagement est dans l'écriture, dans la poésie; il est loyal envers l'imaginaire de son peuple, de tout peuple voué à l'errance. Rien à voir avec cette poésie qui brandit les slogans et ruine la beauté et l'émotion. Darwich est un poète épique», écrit Tahar Ben Jelloun sur le dos de la couverture du recueil. L'ouvrage se compose de 7 parties poétiques regroupant plusieurs poèmes. On cite Un amoureux de la Palestine, Fin de la nuit (1967), Les Oiseaux meurent en Galilée (1970). Ma bien-aimée se réveille (1970), T'aimer ou ne pas t'aimer (1972, Essai numéro 7 (1972) et Noces (1977).
Les premiers poèmes de Mahmoud Darwich traduisent un lyrisme amoureux dans lequel l'attachement au pays natal se confond avec le sentiment amoureux. Symbole de la patrie, la terre est célébrée comme la «première mère». Au fur et mesure l'engagement politique se révèle franchement. L'écriture s'érige plus complexe en s'intéressant aux mythes et aux symboles. Enfin, dans sa période la plus mûre, cette écriture tend vers une ouverture. Elle voyage, traverse les mers. De la Méditerranée à New York, la problématique identitaire de la Palestine reste posée. Le souffle puissant et épique de Mahmoud Darwich écrit dans La chanson et le sultan: «Allez dire au sultan. Le vent ne saurait être blessé par un coup d'épée. Et les nuages d'été ne peuvent arroser l'herbe. Qui croit sur ses murailles. Mais des millions d'arbres. Verdoient dans le giron du poème.»
Chez Mahmoud Darwich, la poésie naît du sentiment d'exil, de déracinement et de l'appel de l'autre, sa terre, «sa passion» matérialisée dans cet arbre ou encore Rira la bien-aimée, lui, ce soldat du vers libre et du rythme dramatique, cet étranger dans une ville lointaine...Qu'il soit social, familial, amoureux, l'exil est le thème dominant, celui qui appelle la poésie et auquel celle-ci doit répondre.
L'exil est au coeur, la source puissante de la poésie de Mahmoud Darwich. D'Athènes à Galilée, de Babylone à Jérusalem, la poésie de Darwich est faite d'un «pays dépourvu de pays». Elle est confiscation, éloignement, impatience qui est «fleur de jasmin», tremblement, l'appel d'une allégresse de deux corps en fête, un «hymne guerrier», «souvenir d'une première jouissance», égarement et blessures, une corde brisée. Mieux, un passeport, un désir, la voix perdue dans les solitudes...Que de beauté, mélancolie mêlée à du chagrin. Darwich agonise parfois, pleure mais ne rend jamais les armes. Dans Chroniques de la douleur palestinienne le poète écrit à juste titre: «Mon pays est une épopée. Jy tenais le rôle d'interprète. Me voici devenu.
Une des cordes de l'instrument.» Bouleversante poésie de Darwich, cette anthologie met à nu 16 années d'écriture intenses...Impossible de restituer tout le génie artistique de l'écriture de Darwich. A découvrir absolument!


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