La femme comme écrivain à part entière et non pas sujet, a démontré lors de cette rencontre avec audace que sa passion pour l'écriture n'a pas de frontière... Quelles sont les préoccupations et sujets de prédilection de nos romanciers arabes à l'aune du XXIe siècle? C'est ce qu'ont tenté de répondre trois auteures femmes arabes, lundi après-midi à la salle El Qods du Salon international du livre d'Alger. Avec plus d'une heure de retard, la rencontre placée sous le générique «Les romancières arabes, thèmes et tendances», a laissé libre cours à nos auteures de parler d'elles même à travers leurs écritures respectives. La première à intervenir est la Marocaine Khenata Bannanoua qui dira, d'emblée, que la femme n'a pas besoin d'une seule date, le 8 mars en l'occurrence, pour être rappelée à nos mémoires. «C'est réducteur de la limiter dans le temps.» Pour notre écrivaine en langue arabe, écrire se veut un combat contre soi, contre l'ordonné et le désordonné, que ce soit dans les domaines politique, économique ou social. Ecrire est un art, une quête vers l'humanisme et l'universel. L'Irakienne Inaâm Kachachi qui vient de publier un nouveau roman en arabe aux éditions Barzakh s'est montrée très attachée pour sa part à ses racines irakiennes tout en dénonçant la politique de séparation et de division qui existe aujourd'hui entre les différentes branches de l'Islam, chose qui est impensable selon elle, avant. Elle rappellera que c'est son métier de journaliste qui l'a poussée vers la littérature. Inaâm Kachachi s'est montrée très nostalgique envers le passé. «J'ai vécu la vraie époque» a-t-elle dit. Elle critiquera ainsi l'éducation d'aujourd'hui qui fait monter des frères les uns contre les autres, les poussant à tuer et à poser des bombes. «Je crains que cet Irak-là est parti pour de bon et ne reviendra plus». Elle se rappellera aussi de la venue de Djamila Bouhired en Irak, se souvient de la guerre du Vietnam et de la solidarité des Arabes et se demande comment peut-on devenir pro-Américain? Elle exhortera ainsi ses concitoyens à retrouver le chemin de la dignité et de l'authenticité en changeant de position pour récupérer l'Irak. Pour information, Inaâm Kachachi est née à Baghdad. Ecrivaine, journaliste et correspondante de presse pour des journaux arabes, elle vit depuis une vingtaine d'années à Paris, mais demeure très attachée à ses origines. Elle a dirigé une anthologie de littérature et poésie féminine irakienne (Paroles d'Irakiennes, Serpent à plumes). C'est un séjour dans son pays natal pendant l'été 2003 qui la pousse à écrire ce roman. Prenant la parole en dernier, la romancière algérienne réfutera catégoriquement la notion de littérature féminine qui prône le corps comme thématique liée au roman arabe. «Quand peut-on écrire un roman, ouvert, asexué qui traite de sujets divers et dénué d'une idéologie sous-entendue?» s'est-elle demandé irritée. Un cliché qu'elle tendra à dénoncer. Et de poursuivre: «Quand j'écris, je n'ai pas à exprimer ma nationalité.» Un débat plus au mois intéressant a suivi la rencontre, mettant d'accord les auteures sur la nécessité de sortir des ancrages géographiques et sexuels pour décrire une littérature.