Que cherche la France à travers cette affaire aux relents douteux? «L'affaire» de l'assassinat des moines de Tibhirine refait surface. Pour cause, l'Elysée et Matignon ont donné leur feu vert à la levée du secret-défense en allant bien entendu dans le sens des avis de la Commission consultative de la défense nationale (Ccsdn). L'affaire a rebondi suite aux accusations fondées sur de simples délires et allégations contre l'Armée algérienne par l'ex-attaché de de défense de l'ambassade de France à Alger, le général Buchwalter. Dans ces avis parus hier au Journal officiel, la Ccsdn a proposé et émis un avis favorable à la large déclassification de 105 documents sur 109 au total, classés secret-défense soumis à son examen par les trois départements de la Défense, des Affaires étrangères et de l'Intérieur. Après cette campagne contre l'Algérie qui ne dit pas son nom, la justice française avait requis l'été dernier la levée du secret-défense sur les documents détenus par les ministères de la Défense, des Affaires étrangères et de l'Intérieur. L'enquête judiciaire n'a été ouverte en France qu'en 2004, soit huit ans après les faits. En juillet dernier, le président français Nicolas Sarkozy avait souhaité que le secret-défense soit levé dans cette l'affaire. Néanmoins, les allégations de l'ancien attaché militaire de l'ambassade de France à Alger sont battues en brèche par les témoignages des responsables et des diplomates français de l'époque. Charles Pasqua a accusé, sans détour, le Premier ministre de l'époque, Alain Juppé, «d'avoir fait capoter une tentative de libération des moines trappistes enlevés et faits otages par le GIA». Charles Millon, ministre de la Défense à l'époque des faits, déclarait à L'Express n'avoir jamais eu un quelconque rapport du général Buchwalter. «On ne m'a jamais parlé d'une ´´bavure´´ de l'Armée algérienne. Je n'ai jamais été informé de l'existence d'une note de l'attaché militaire de l'ambassade de France à Alger concernant le sort des moines», avait-il assuré. «Je ne connais pas le général Buchwalter, dont le nom même m'est inconnu. S'il a fait un rapport, il n'est jamais remonté jusqu'à moi», avait-il certifié. De son côté, le ministère français des Affaires étrangères a transmis 26 documents au juge chargé de l'enquête sur la mort de sept moines français à Médéa en 1996. Aucun des 26 documents transmis ne concernait le rapport de l'ex- général en retraite. Le juge d'instruction Marc Trévidic, avait saisi, pour sa part, les ministères des Affaires étrangères, de la Défense et de l'Intérieur afin qu'ils remettent les documents secrets au juge d'instruction compétent. En début de novembre dernier, ladite commission s'était réunie pour examiner les 109 documents existants sur l'assassinat des moines. Cependant, les avis de la commission ne précisent pas le contenu des documents déclassés. Pour rappel, les sept moines français avaient été enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 dans leur monastère isolé Notre-Dame à Médéa. Leurs têtes avaient été retrouvées, deux mois plus tard, le 4 juin 1996. Pour le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Noureddine Yazid Zerhouni, qui était le premier officiel à réagir, tout cela s'apparente à «du théâtre japonais, le kabuki, dont la scène se déroule à Paris». Autrement dit, le dossier des moines de Tibhirine est une affaire «franco-française».