La communauté musulmane est choquée car c'est la politique de la peur et du mensonge qui a gagné. Les Suisses ont décidé, hier, par référendum, à plus de 57% des votants, d'interdire la construction de minarets, selon les résultats définitifs du scrutin. Seuls quatre cantons sur les 26 que compte la Confédération ont rejeté la proposition soutenue par le parti UDC de la droite populiste et le petit parti chrétien de droite UDF. Ce vote va entraîner la modification de l'article 72 de la Constitution suisse qui régit les relations entre l'Etat et les religions. L'interdiction de la construction de minarets y sera présentée comme une mesure «propre à maintenir la paix entre les membres des diverses communautés religieuses». Pour les défenseurs des droits de l'Homme, il s'agit d'un grave précédent, car ce vote ouvre la voix à d'éventuels dérapages aux conséquences fâcheuses. Les musulmans étant minoritaires dans les pays européens, toutes les interdictions sont possibles par la grâce de la Démocratie. C'est cette même Démocratie qui permet aux musulmans de vivre pleinement leur foi, c'est cette même Démocratie qu'ils brandissent à chaque fois qu'ils se sentent lésés, menacés et «persécutés» par les Européens. Et c'est maintenant par cette Démocratie qu'on leur interdit l'existence de leurs symboles comme les minarets. Quelle menace représente un minaret pour une société si ce n'est une campagne médiatique attisant la peur et la haine? «J'ai le coeur brisé. Que va-t-on dire à nos enfants? Pendant toute la campagne, je n'ai cessé de dire qu'il ne fallait pas s'inquiéter, que la solidarité politique, culturelle et sociale allait faire réfléchir. Aujourd'hui les gens sont fortement choqués, c'est la politique de la peur et du mensonge qui a gagné. Les minarets ne sont qu'un prétexte, en fait ce sont les musulmans qui sont visés. C'est une manière de faire la guerre à un groupe bien intégré», lit-on dans le témoignage d'une musulmane rapporté par le journal suisse, Le Temps. A ce rythme, il faut s'attendre à d'autres interdictions maintenant que la voie est ouverte. En effet, il n'est pas exclu que le port du hidjab soit interdit par voie référendaire. De ce point de vue, il faut dire que l'issue du vote en Suisse fera jubiler la France et la Belgique où la polémique sur le port du voile fait rage. Les commentateurs ont unanimement qualifié ce résultat d'«immense surprise» car il contredit les sondages qui prédisaient durant la campagne un rejet à 53% de la proposition de la droite populiste. L'UDC, qui ne manque jamais une occasion d'attiser la peur de l'étranger, a donc convaincu une majorité écrasante de Suisses en accusant les minarets d'être le «symbole apparent d'une revendication politico-religieuse du pouvoir, qui remet en cause les droits fondamentaux». L'intellectuel musulman controversé Tariq Ramadan a jugé «catastrophique» le résultat du référendum. Pour M.Ramadan, qui vit à Genève et enseigne à l'université britannique d'Oxford, «les Suisses ont exprimé une vraie peur, un questionnement profond sur la question de l'Islam en Suisse». Le parti des Verts a déclaré envisager de présenter un recours devant la Cour européenne des droits de l'Homme à Strasbourg pour violation de la liberté religieuse garantie par la Convention européenne des droits de l'Homme.