Les autorités marocaines lui ont interdit de retourner dans son pays natal. Cependant, cette grande dame du Sahara jouit du soutien sans faille de son peuple. La désillusion ne tue pas l'espoir. Hier matin, la nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre dans les camps des réfugiés sahraouis. Le retour de Aminatou Haïdar a été ajourné. A Aouserd, la désolation et la colère se lisaient sur les visages. Cependant, hommes et femmes étaient unanimes sur un point: «Aminatou Haïdar a donné une leçon de résistance aux autorités marocaines. Et par sa détermination, Aminatou a su déjouer toutes les manoeuvres politiques qui visaient à la déstabiliser», fulmine Fatma Ahmed, 28 ans, pharmacienne au laboratoire de production de médicaments à l'hôpital Bachir-Salah, situé à Rabouni, ville administrative de la République arabe sahraouie démocratique, dans les camps des réfugiés. Sous sa m'helfa, le regard de la jeune femme semble se poser sur le visage de la militante. Dans un soupir, elle avoue: «J'aimerais tant être à ses côtés en ce moment.» Fatma replonge dans le souvenir de la liesse qui a gagné Aouserd, la veille. Nous sommes dimanche, le camp s'apprête à accueillir le congrès de la jeunesse de Saguiat El Hamra. Cette manifestation était jumelée avec la 17e édition du Festival culturel sahraoui: les préparatifs terminés, le silence s'est installé sur les lieux. La lune répand son regard argenté sur le camp, les étoiles scintillent. Le silence est une belle mélodie que les poètes habillent de vers. Un calme plat règne sur les lieux. Soudain, explosion de joie! Que se passe-t-il,? «Aminatou Haïdar vient de rentrer à El Ayoune», nous explique une femme: les youyous fusent de partout. Ils sont mêlés aux klaxons des véhicules qui sillonnent les allées du camp. Hommes, femmes et enfants célèbrent le retour de l'héroïne dans son pays. «Malgré la férocité de l'oppression, nous sommes un peuple qui refuse d'abdiquer», scandent ces derniers. C'est dire que la détermination de Aminatou Haïdar traduit celle d'un peuple qui aspire à vivre souverain sur sa terre. «Nous sommes toutes des Aminatou Haïdar. Sa conviction est la nôtre. Nous sommes un peuple qui tient à son identité», lance Salma Ahmed du haut de ses 35 ans. Enseignante en langue arabe, Salma croit dur comme fer que «la détermination du peuple sahraoui aura raison de toutes les raisons d'Etat au nom desquelles on menace jusqu'à son existence». Tout près de nous, des femmes se sont regroupées. Dans l'obscurité voluptueuse du désert, elles tambourinent sur les citernes d'eau. Rayonnantes, elles entonnent des chants à la gloire de la cause sahraouie. L'une d'entre elles, Tafrah, déclare: «Aminatou est l'exemple du combat de la femme sahraouie pour la survie de son peuple.» La trentaine entamée, Tafrah (elle sera heureuse) est un air de liberté. Elle personnifie la beauté de la femme sahraouie. Laquelle beauté est une partition dédiée aux combattants et militants des causes justes. Durant toute la nuit, le camp a vibré au rythme de la liesse. Le lendemain, les mines sont quelque peu déçues: les autorités marocaines viennent d'interdire à Aminatou Haïdar de retourner au pays de son enfance. Cela dit, la nouvelle n'a nullement altéré la conviction des habitants d'Aouserd de soutenir la Jeanne d'Arc du désert.