Les calculs des laborantins débouchent fréquemment sur des diagonaux de fous. «Allô? Prépare-nous quelques documents, des personnalités mises sur le carreau, particulièrement aigries et prêtes à tout, contacte des éditeurs en mal de Unes accrocheuses et balance le maximum.» C'est ainsi qu'on peut imaginer le débuts d'une campagne «politico-médiatique» dans n'importe quel pays. Chez nous, depuis le fameux «Rapport des généraux» publié par El Watan au début des années 90 et qui a coûté la tête du protégé d'un Chadli en fin de règne, le général-major Mustapha Belloucif, la formule a été maintes fois reconduite et remise au goût du jour. La plus spectaculaire de ces opérations fut, sans conteste, la campagne anti-Betchine, le conseiller particulier du Président Liamine Zeroual, durant l'été 1998. Le président du PRA, Nouredine Boukrouh, actuel ministre du Commerce, publie dans El Watan, toujours une lettre où il raconte des aventures mêlant 504 noire, Betchine, sécurité militaire, rapt et menace, etc., dans la plus pure tradition des polars sud-américains. Faut-il rappeler les conséquences et les implications: scandale de l'affaire Adami, démission de Zeroual et séisme institutionnel. Un putsch. Un coup d'Etat maquillé en feuilleton de pages centrales. Dernière trouvaille des laboratoires d'intox nationale, les tirs croisés contre le Président de la République, Abdelaziz Bouteflika. La première phase de cette opération déclinée en flèches disparates contre la politique de concorde civile. Ensuite, il fallait capitaliser ses attaques en une stratégie qui puisse durer un laps de temps défini. Le temps de pourrir, peut-être, la situation en Kabylie. Les calculs des laborantins débouchent fréquemment sur des diagonaux de fous: des «démocrates» ont demandé l'intervention de l'armée pour déposer Bouteflika. Débats organisés par des journaux, éditoriaux incendiaires, interviews fleuves, «contributions» dans les rubriques «Actualité» au lieu des pages «Opinion» ou «Idées», etc., toute une armada. Quand ce n'est pas Chérif Belkacem qui ouvre le feu, Sid-Ahmed Ghozali prend le relais pour le passer ensuite à Ahmed Benbitour ou à Leïla Asslaoui. Le final devait être signé par l'ex-ministre de la Défense, Khaled Nezzar. Le temps d'une avalanche de commentaires et d'analyses et ça repart. En été, les rédactions de journaux du monde entier souffrent du vide de l'actualité politique et économique. Les «scandales» ou «affaires» de l'été nourrissent, pour un temps, les colonnes des journaux. La belle affaire. Récemment, la campagne anti-Bouteflika a pris des tournures à la Wall Street Journal. Sans entrer dans le jeu des accusations et contre-accusations, il suffit, ici, de relever l'énorme déficit en investigations journalistiques. Est-ce qu'une enquête a été menée par un journaliste l'été 1998 pour faire la lumière sur la scabreuse «affaire Boukrouh» ? Seule la guerre des communiqués et des «contributions» et autres «lettres» occupaient l'espace médiatique. Une bonne campagne médiatique doit toujours tenir. Tenir dans le temps et aussi tenir du point de vue crédibilité. Et pour cela, il faut décupler les relais, suivre l'actualité pour rebondir au moindre frémissement de la scène nationale, marquer des pauses stratégiques pour observer les réactions, débusquer les camps «ennemis», préparer des parades aux arguments des adversaires, mais surtout savoir quand et comment cesser les hostilités. Vous l'aurez remarqué, c'est comme une guerre. La guerre psychologique. Ses effets peuvent s'étaler sur la scène publique comme il est possible que les répercussions ne se ressentent qu'en vase clos. Très haut.