Majestueuse! C'est le moins qu'on puisse dire de la chanteuse Nouara. Mercredi et jeudi derniers, elle a été fidèle à sa grandeur. Sa voix n'a pas seulement bercé ses fans mais elle a aussi percé les coeurs. Il fallait vraiment assister à ses spectacles animés à la Maison de la culture de Tizi Ouzou pour pouvoir sentir que le pouvoir de la plus belle voix féminine de la chanson kabyle pouvait susciter autant d'attention et d'émotion. Même quand Nouara interprétait des chansons rythmées, le silence dans la salle n'a pas été rompu. Ni applaudissements, ni danse. Juste quelques youyous de temps à autre pour saluer la diva. Le public de Nouara, à l'image de cette dernière, est particulier. Attentionnés, les fans de Nouara avaient tous un point commun: la concentration. Autant il n'y avait pas de fausses notes sur scène, autant il n'y en avait pas dans la salle. Nouara a réussi à hypnotiser un public qui n'oubliera pas de sitôt ces moments intenses. La nostalgie planait dans la salle. Les chansons de Nouara évoquent la Kabylie d'antan. En écoutant ces textes, des jeunes de vingt ans s'étonneront sans doute qu'il fut un temps où il fallait à une femme se battre pour pouvoir échapper à un mariage forcé imposé par le père ou par le grand frère et lutter aussi afin de pouvoir poursuivre ses études. Ces thèmes et autant d'autres ont été chantés par la voix sublime de Nouara qui a obnubilé l'assistance. En entrant sur scène dans sa robe kabyle ceinte d'une «foudha» traditionnelle, Nouara provoque un tonnerre d'applaudissements. La salle se lève comme un seul homme et salue la respectable artiste qui cachait très mal sa timidité. Nouara se ressaisit vite car devant un public aussi mûr, il fallait être à la hauteur. Et qui pouvait se douter un seul instant que Nouara ne pouvait pas l'être, elle qui a bercé plusieurs générations de femmes kabyles et surtout inspiré la quasi-totalité des chanteuses qui en ont fait un modèle. Nouara ne parle pas beaucoup sur scène. Elle va droit au but et laisse exprimer son talent et sa voix envoûtante. Djerdjer, la première chanson qu'elle a interprétée est sans nul doute l'une de ses meilleures. Il s'agit d'une longue chanson, entrecoupée de refrains et avec plusieurs airs musicaux. En l'écoutant, on ne peut pas se retenir d'avoir des pincements au coeur car la chanson est empreinte de nostalgie. Comme toutes les autres d'ailleurs. Nouara chante sur les temps révolus, les moments d'une jeunesse certes triste, peut-être même perdue, mais que tout le monde regrette. La chanson Akwasigh ammi âazizen est aussi prégnante. Les chansons sur l'amour impossible font couler les larmes à plusieurs spectateurs qui essuient ces dernières avec discrétion. Amek itevagham et Awal el houb, Ledjwab iw mi dyehdar yid et tant d'autres titres n'ont pas manqué de rappeler à l'assistance leurs premiers amours. Nouara, pour faire plaisir à son public, l'invite à lui demander les chansons qu'il veut écouter. C'est ainsi que du fond de la salle fusent des voix et chacune lance le titre de sa chanson préférée. Nouara essaye de satisfaire au maximum son public. Mais le temps qu'a duré le spectacle est passé tellement vite que l'on ne s'est pas rendu compte. Le public subjugué a souhaité que Nouara se produise un peu plus longuement car de nombreuses chansons n'ont pas pu être interprétées faute de temps. Mais malgré cela, le spectacle de Nouara restera mémorable. Il ressemble à un rêve. On ne peut pas sortir d'un gala de Nouara comme on y est rentré. Nouara a pris la main de ses fans et les a fait voyager dans le temps. Dans la salle, plusieurs fans se sont étonnés que la voix de Nouara soit restée telle qu'elle l'était il y a quarante ans. Même l'orchestre, pourtant composé de musiciens compétents, à l'instar de Medjahed Hamid, a eu souvent du mal à accompagner la voix puissante et pénétrante de Nouara. Les spectacles de Nouara à Tizi Ouzou ont démontré qu'on peut ressentir du bonheur au milieu des larmes. Mais pour cela, il faut la présence d'une artiste de la trempe de Nouara et beaucoup de sincérité.