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Les enfants du commerce
SAMY, FARID, HAMID ET LES AUTRES
Publié dans L'Expression le 22 - 12 - 2009

«Tavla n'doukhane». Voilà un néologisme qui nargue les clivages et les frontières linguistiques. L'énoncé n'est ni français, ni arabe, ni même berbère. Ces deux mots trempent les trois langues dans une seule réalité bien vivante. Ils véhiculent une légende bien ancrée dans l'univers social de l'Algérie d'aujourd'hui. Ce ne sont pas les fables de Djeha ou celles de M'kidèche issues des contes berbères d'antan. C'est l'histoire de Samy, de Farid, de Hamid et de tous ces enfants qui sont devenus des hommes et parfois riches, avec comme seul négoce, une «Tavla n'doukhane» sur le trottoir. C'est aussi une mise à nu de l'échec d'une génération à construire les fondements d'une vie correcte pour leur progéniture.
Les enfants commerçants sont partout. Ils sont dans les marchés hebdomadaires, sur les trottoirs de la ville, devant le stade du 1er-Novembre. Ils sont aussi à l'école. Ils ont entre 6 et 17 ans. Les enfants commerçants exercent toutes les activités censées remplacer l'argent de poche que le père ne peut plus offrir. Il y a même ceux qui en gagnent beaucoup plus que l'argent de poche. Dans de nombreux cas, un enfant peut gagner des millions. Il devient alors «riche». Oui, il y a des enfants qui deviennent riches au prix de leur enfance. Ils ne le deviennent toutefois, pas pour réaliser un rêve:c'est plutôt pour fuir la misère de la maison! Ils ont fui les larmes d'une mère exaspérée et les colères impuissantes d'un père accablé. Ses enfants travaillent sans aucune protection. Ils sont souvent la proie de toutes les formes d'exploitation. Les moins chanceux succombent au gain rapide de la drogue. Cependant, il n'y a pas que les fils des pauvres qui commercent à l'âge précoce. Il y a même des enfants issus de familles «intellectuelles» c'est-à-dire, de parents médecins, avocats ou enseignants. Mais au fait, qui sont exactement ces enfants?
Samy, comme ses copains, vendeurs de vêtements féminins sur le trottoir, ne donnent jamais l'impression d'être pauvres. Leur misère est toujours couverte d'une volonté acharnée de «s'en sortir dans la vie ou de se débrouiller» comme il le dit lui-même. Toujours sur le boulevard Lamali qui s'étend jusqu'au stade du 1er-Novembre, des enfants dont l'âge varie entre 6 et 17 ans, accaparent une parcelle de trottoir pour étaler leurs marchandises. «Je préfère le commerce au travail dans les chantiers. Je n'accepte pas de me faire exploiter», affirme Samy, fier de son activité. Des enfants comme lui ne veulent jamais admettre que c'est la pauvreté qui les a amenés dans ces lieux. «Je connais beaucoup de propriétaires de magasin qui ont commencé comme moi», poursuit-il, hypermotivé. Samy n'est qu'un petit échantillon face à la panoplie d'activités qui s'offrent aux enfants. Il n'est pas issu d'une famille pauvre comme on pourrait a priori le croire. Ce n'est pas uniquement la pauvreté qui amène les enfants à commercer sur les trottoirs. L'échec scolaire, l'attrait de l'argent facile alimenté souvent par les familles, la déperdition scolaire, le manque de débouchés après la scolarité et par-dessus tout l'impact de la mondialisation tous azimuts. Ces enfants commerçants sont donc issus de familles de différentes catégories.
Des cacahuètes à la cocaïne
Farid vient chaque matin en ville, un panier à la main. Il est rempli de glands, de cacahuètes et de cigarettes.
«Je n'aime pas vendre sur le trottoir. Je préfère faire le tour des bars de la ville. II y a plus d'acheteurs», nous informe-t-il. Ingénieux, il l'est aussi, Kamel qui, lui, préfère vendre des oeufs durs dans les mêmes lieux. «J'en vends jusqu'à cinq plateaux par jour», dit-il tout fier. «Je ne ferai pas toute la vie le tour des bars. Je vais plutôt ouvrir un commerce ici en ville» continue-t-il. Questionné sur ses moyens, Kamel révèlera qu'il n'est pas du tout pauvre. «Mon grand-père va m'aider, il a une pension en euros.» «Vous croyez que si on fait ces commerces c'est parce qu'on est pauvres?» lance un enfant qui tient «une table de cigarettes» sur un grand boulevard de la ville de Tizi Ouzou.
«Regardez là-bas ce jeune qui vend de l'habillement, son père est enseignant depuis vingt ans», nous montrant son ami. Nous avons voulu entamer une conversation avec 1a personne. «Vous voulez que je devienne comme mon père? Non, non, je ne vais pas rester à l'école pour devenir chômeur. Moi, je préfère me jeter dans la vie maintenant, avant qu'il ne soit trop tard» nous dit Hamid en réponse à une de nos questions.
Un danger qui guette toujours les enfants
Ces enfants ne ressemblent nullement à ceux-là qui font la manche. Car, il y en a qui les confondent. Ceux-là, ils sont pleins de dignité et de fierté. «Je peux vivre sans l'aide de mon père. Je suis capable de me débrouiller dans cette vie.» Ces paroles sont de Farid, le vendeur de glands. Comme lui, il y en a des centaines à Tizi Ouzou. Ils ont choisi de commercer au lieu de verser dans la délinquance. Ils ont préféré rester debout sous la pluie que faire les pickpockets. Gagner leur vie les couvre de beaucoup de dignité mais cela n'empêche pas qu'ils soient constamment la proie de nombreux dangers.
«J'ai été plusieurs fois agressé. Je crains pour ma vie chaque soir quand je rentre à la maison», se confie Samir, vendeur d'habillement pour enfant sur le trottoir de la ville des Genêts. Expérimenté, il est convaincu que les agresseurs s'attendent à trouver sur lui l'argent gagné pendant la journée. «Une fois, nous avons été attaqués alors que nous nous dirigions vers l'arrêt. Mon ami a été grièvement poignardé», raconte-t-il. Ces derniers temps, une autre peur s'est propagée parmi ces enfants.
Il a été maintes fois signalé des disparitions inexpliquées. «Vous savez qu'il y a des enfants kidnappés pour leur enlever des organes?», nous apprend une jeune vendeur de cigarettes. Cette peur existe bel et bien. Plusieurs témoignages l'ont attestée sans toutefois avancer un cas concret du genre.
D'autres enfants, attirés par l'argent, tombent dans les filets des dealers. Questionnés sur les enfants qui se sont mis à vendre et, par conséquent, à consommer de la drogue, tous confirment l'existence de cas similaires. Cependant, personne n'a osé témoigner de son expérience car il y en a certainement beaucoup qui font conjointement les deux commerces.
Il ne faut pas insulter l'avenir
Les chiffres officiels n'annoncent pas des jours plus cléments pour les enfants. Quelque 94 067 élèves sur les 202 576 scolarisés, sont classés dans la catégorie des démunis, soit un taux de 46%. Ces chiffres, qui mentionnent que la moitié des enfants de Tizi Ouzou sont pauvres, émanent de l'Assemblée populaire de la même wilaya, chiffres qu'elle détient même de la direction de l'éducation. Cela annonce par conséquent que les enfants pauvres qui iront rejoindre ceux qui exercent leur commerce actuellement, sur la place publique, seront plus nombreux. D'un autre côté, ces mêmes enfants ne semblent pas céder à la pression sociale, qui les pousse vers la délinquance.
Cette hargne qui les pousse à s'en sortir par l'exercice de ces activités n'existe nulle part ailleurs que dans notre pays. La fierté de ces enfants doit trouver un écho dans les politiques de développement du pays menées par les gouvernants. Nous avons aussi jugé qu'il sied davantage de terminer sur les mots d'un homme âgé qui affirmait que «ces enfants commerçants sont le fruit de notre fierté et non celui de notre pauvreté».
«C'est à travers ces vendeurs de cigarettes, de cacahuètes, de glands et d'oeufs durs, que l'avenir va sourire à l'Algérie» dira Amar, un jeune étudiant en sociologie. Il en veut pour preuve que dans d'autres pays, les conditions qui ont conduit les enfants commerçants vers les trottoirs en ont fait des bandes criminelles incontrôlables.
D'aucuns ont aussi compris que ces enfants, pas aussi pauvres que cela, ne fouilleront pas dans les poubelles mais, se rebelleront pour produire des dizaines de «Printemps et d'Octobre 88» s'il le faut.


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