Il pense qu'il est préférable de laisser l'entraîneur national travailler tranquillement pour ne pas le perturber. Gagneur et refusant la défaite, il est très connu pour son courage légendaire. C'est un dur, un coriace, un valeureux combattant qui a disputé le Mondial espagnol en 1982 bien après avoir été finaliste du tournoi olympique de 1980. Il est l'un des principaux bourreaux de l'équipe nationale allemande (la RFA) lors de l'épopée de Gijon. Il s'agit de l'ex-latéral droit de charme des Verts, Chaâbane Merzekane qui a fait toutes ses classes au NAHD avant de rejoindre le MCA. Il a bien voulu répondre aux questions de L'Expression, à quelques semaines de la CAN 2010. L'Expression: Quelle lecture faites-vous de la déclaration de Saâdane de ne point attendre de miracles en CAN-2010? Chaâbane Merzekane: Le connaissant si bien, je pense que c'est juste une façon de parler de Saâdane. Il faut savoir que ce n'est vraiment pas facile de se qualifier dans cette CAN, d'autant qu'il n'y a désormais plus d'équipe faible. Toutes les équipes sont à craindre. Saâdane a un objectif qu'il suit et qui est tracé en commun accord avec la Fédération algérienne de football et il sait ce qu'il fait. Je respecte tout à fait ce qu'il dit. Il est plus au courant de ce qui se passe au sein de son équipe et bien informé sur les équipes qu'il va devoir rencontrer. Ne pensez-vous pas que c'est une manière de préparer son départ ou à défaut de préparer l'opinion sportive à une élimination prématurée lors de cette CAN? Non, je ne pense pas que Saâdane songe à partir pour le moment. Il gère son groupe avec une façon propre à lui. Il est si éduqué qu'il sait bien où il va. Il faut respecter sa manière de voir les choses. Je sais que les joueurs visent les demi-finales de cette CAN et d'ailleurs, à travers la presse, même le président de la Fédération a accepté cette vision d'aller jusqu'aux demi-finales. Mais, il faut être très prudent dans ce genre de compétition. Tomber sur un groupe où on retrouve l'équipe organisatrice, n'est pas chose aisée. Il n'est pas facile d'écarter le représentant du pays organisateur dès le premier tour. Par ailleurs, le Mali est une équipe qui possède en son sein des joueurs très percutants qui évoluent dans les grands clubs d'Europe. Ça ne serait également pas facile de s'en débarrasser facilement. Quant au Malawi, pour moi, c'est le Petit Poucet, il faut bien s'en méfier. Ce sont là des propos pessimistes. Non, mais il est primordial de gagner le premier match contre cette équipe du Malawi. Ensuite, il faut bien gérer la seconde rencontre face au Mali pour aborder dans de bonnes conditions l'équipe organisatrice. Je crois que notre sélection est bien capable d'aller jusqu'aux demi-finales, voire même en finale et remporter la Coupe d'Afrique. Mais, une fois de plus, le premier match est très important. Il faut le gagner. De plus, battre le double champion d'Afrique qui est l'Egypte n'a pas été facile. Et cela prouve que cette équipe possède bien des potentialités à même d'aller très loin dans ces joutes. De plus, on est là, après des décennies d'absence, c'est aussi très important. D'ailleurs, je me rappelle aussi ce cas, de notre temps. L'Equipe nationale ne s'est pas qualifiée à la CAN depuis 1968 et nous voilà avec une nouvelle génération qui s'est qualifiée en 1980 et on est même passés en finale. Personne ne pensait à l'époque qu'on aurait eu ce parcours presque parfait. Et pourquoi cela ne se répèterait-il pas avec cette génération? Nous possédons des joueurs bien professionnels et très bien rodés de par les matchs très durs qu'ils jouent au sein de leurs championnats respectifs, d'ailleurs très relevés. Vous parliez du Petit Poucet le Malawi, mais il faut bien s'en méfier car ça ne serait pas aussi facile de gagner ce premier match contre une équipe «inconnue». Ecoutez, en 1982 en Libye, on avait battu deux ténors de l'époque, mais nous avions fait match nul devant une équipe telle que l'Ethiopie! Nous avions, certes battu la Zambie (1-0) et je n'ai marqué le but de la victoire que durant les cinq dernières minutes du jeu. Ensuite, nous avions battu le Nigeria avant de faire match nul face à l'Ethiopie. En Coupe d'Afrique, tout est possible. Mais, je pense qu'on passera bien le premier tour avec des joueurs professionnels aguerris aux matchs à pression. De plus, ils sont habitués à jouer deux à trois matchs par semaine. C'est donc dans le rythme de la CAN. Et pour en revenir à Saâdane, je comprends bien sa manière de réagir en ne donnant pas de fausses illusions aux supporters. Je respecte donc ses dires et puis, il est logique qu'il ne dévoile pas toutes ses cartes, lui, le sage. Justement, après le match de Khartoum face à l'Egypte et la qualification, Saâdane déclarait qu'il allait tenter de bien jouer la CAN pour mieux aborder le Mondial, mais aujourd'hui, il fait une déclaration contraire. Ecoutez, ce staff a réussi à qualifier l'Equipe nationale à la CAN et à la Coupe du Monde. Il faut donc le laisser continuer son travail sans lui mettre plus de pression. Là, où vous me voyez déçu, c'est lorsque j'ai lu dans la presse certaines déclarations d'entraîneurs qui se disent prêts à prendre l'Equipe nationale alors qu'un staff est bel et bien en place! L'Equipe nationale n'est pas un héritage. Le staff doit travailler à long terme. Il faut l'encourager, et tenir des propos pareils, c'est le déstabiliser. Et que dire lorsque je vous rappelle ce qu'a déclaré l'entraîneur de l'Equipe nationale d'Angleterre en remarquant qu'«il faut faire très attention à l'Algérie et la prendre très au sérieux vu ce qu'elle a réalisé durant les éliminatoires»? Ce qui veut dire qu'on ne peut pas gagner un match à l'avance. Et là, je ne suis pas contre ce qu'a déclaré Saâdane. Il est donc plus tranquille ainsi. Si on passe le premier tour, c'est bon. Et maintenant, je vous pose la question: et si nous étions éliminés au premier tour, doit-on changer d'entraîneur? Eh bien, non! Je suis désolé. A quatre mois du Mondial ce n'est pas du tout indiqué. Et puis, permettez-moi de vous rappeler également ce qu'a déclaré l'entraîneur français Gérard Houiller: «J'espère que l'Algérie soit éliminée au premier tour de la CAN pour faire une bonne Coupe du Monde.» Mais les techniciens soutiennent le contraire, effectuer une bonne CAN pour réaliser un bon Mondial. Ce que j'ai évoqué ce sont les propos de l'entraîneur français. Et puis, je me rappelle en 1986, c'était l'équipe B qui devait participer à la CAN et à 15 jours de la phase finale en Egypte, on nous convoque mes coéquipiers et moi de l'équipe A pour nous préparer à cette CAN. On a été donc éliminés au premier tour et on a fait une mauvaise Coupe du Monde. Pourquoi? On avait pensé changer l'équipe et on s'est même permis le luxe d'écarter des joueurs de l'époque au top, tel que Fergani, Yahi, Bouiche et moi-même. C'est pour vous dire que lorsqu'on veut changer d'équipe, ce n'est pas de la sorte et d'ailleurs cela s'est passé avec Saâdane présent. Je pense donc qu'il faut travailler à long terme avec un staff. Pour ceux qui cherchent à prendre la place de Saâdane, je dirais qu'ils sont complètement à côté de la plaque. Ce n'est pas comme ça qu'on aidera notre Equipe nationale. Il faut donc laisser le temps à Saâdane jusqu'à l'issue du Mondial, puis faire le bilan. S'il est positif, c'est bon, sinon, on pourrait changer avec d'autres objectifs. Les équipes concurrentes de l'Algérie dans cette CAN ont programmé des stages ponctués par des matchs amicaux alors que Saâdane n'a programmé que des stages simples. Que pensez-vous d'une telle option? Le staff technique a fait son programme et il faut bien le respecter. Il est plus au courant de ce qui se passe au sein du groupe. C'est donc un choix qu'il faut bien respecter. Car dans ce genre de situation, l'entraîneur n'a que deux options: programmer des matchs amicaux et donc diminuer le travail de groupe où choisir le travail de groupe pour un système et le travailler. Et c'est cette deuxième option qu'il a choisie. Il faut la respecter. Pouvez-vous être plus explicite? Ecoutez, contre l'Egypte, on avait opté pour un système de jeu. On a joué le premier match avec le système de 3-6-1 et lors du second match on a procédé par une autre variante le 3-5-2. Saâdane a choisi le travail du système à celui de la cohésion avec des matchs amicaux. Il doit donc bien préparer une stratégie de jeu et donc un système. Il lui faut oublier les matchs amicaux. Il doit préparer son équipe pour travailler la stratégie de jeu, les balles arrêtées, les combinaisons et les situations standard. D'autant que les dates Fifa ne permettent pas d'avoir des matchs amicaux et puis le temps ne suffit pas pour effectuer un stage et des matchs amicaux instructifs. Et que pensez-vous du lieu du stage choisi par Saâdane dont l'environnement est différent de celui de l'Angola? Je ne conteste nullement ce choix. Choisir la France est simple, car les joueurs évoluent dans des équipes européennes et c'est plus simple de les réunir là. Ensuite, ils sont habitués à ce site. Ce choix entre dans le cadre d'une stratégie du coach et je le respecte. Et puis, il ne faut pas oublier que nous avions bien préparé les matchs qu'on devait jouer en Algérie tout en optant pour un stage en France et nous avons gagné ces matchs! De plus, il est important de savoir, qu'effectuer un stage dans cette zone, cela veut dire éviter les virus, les maladies, etc., choses qui existent bel et bien en Afrique. Et puis, il y a le calme qui permet la concentration et la bonne préparation psychologique. Le climat est, certes, différent de celui de l'Angola. J'y ai joué et je sais que c'est très dur. Nous avions joué en Angola sous un taux d'humidité avoisinant 80 à 90 degrés. On suffoquait et nous avions fait difficilement match nul (0-0) avant de gagner chez nous (3-2). Durant la CAN le taux d'humidité serait le même que celui cité et puis la chaleur avoisine 28 à 30 degrés. Ce sera difficile, mais il faut faire avec. Que pensez-vous de cette histoire de joueurs qui participent à toutes les éliminatoires, mais arrivés en phase finale, sont écartés? L'affaire Lacen est là pour le rappeler. J'avais bien dit que pour Lacen, ce n'est vraiment pas le moment pour qu'il rejoigne l'Equipe nationale. On ne peut pas convoquer un joueur qui n'a effectué aucun match avec le groupe pour une phase finale. De plus, c'est un milieu défensif, et pour un tel poste, il pourrait destabiliser la cohésion de l'équipe si sa façon de jouer n'est pas compatible. C'est un risque à ne pas courir. C'est un excellent joueur, mais il faut le voir après la CAN pour une préparation avec l'équipe en vue du Mondial. Et là, je comprends parfaitement les réactions des joueurs qui sont là depuis deux ans à batailler avant d'être écartés en phase finale. C'est vraiment difficile à admettre. Qui voyez-vous dans le carré final de cette CAN? Je pense à six équipes pour 4 places: le Ghana, la Côte d'Ivoire, le Nigeria, l'Algérie, l'Angola et le Cameroun. Et quelle serait donc votre conclusion? Je reste optimiste quant à une bonne CAN de la part de notre Equipe nationale. Mais, je tiens à m'adresser à ces entraîneurs qui disent qu'on est prêts à prendre l'Equipe nationale alors qu'un staff est en place, pour leur dire que l'on accepte bien les critiques, mais elles ont leur temps ces critiques. Il faut plutôt aider l'Equipe nationale et non tenter de déstabiliser son sélectionneur.