Mohand Arkat, après avoir publié plusieurs ouvrages dans le domaine du parascolaire, édite un premier roman en langue amazighe aux éditions La Pensée. Le livre est intitulé Abrid n'tala (Le chemin de la fontaine) et raconte l'adolescence de l'auteur dans son village, à la fin des années soixante-dix. L'auteur, enseignant dans la région de Ouaguenoun, près de Tizi Ouzou, nous en parle dans cet entretien. L'Expression: Pourquoi avoir choisi tamazight pour écrire votre premier roman alors que vos ouvrages précédents ont été écrits en français d'autant plus que vous enseignez cette langue? Mohand Arkat: Quand on est militant d'une cause, on réfléchit à la meilleure manière d'apporter concrètement un plus à sa culture. C'est en pensant à cette question que l'idée est née. J'ai alors décidé de rédiger mon roman en tamazight et non en français. C'est ma manière de contribuer à l'émancipation de notre langue qui vient juste de sortir de tous les interdits qui lui ont été imposés. Il me semble que c'est un devoir, en tant que militant, de contribuer de cette manière pour que notre langue retrouve sa place parmi les autres. Ce n'est pas votre premier livre? C'est mon premier roman, mais pas le premier livre. J'ai écrit des livres destinés aux enseignants et aux élèves de langue française. Pourquoi avoir écrit ce roman? J'ai voulu reconstituer les faits du passé à travers ce texte. Mon livre parle d'une époque où les villages n'avaient aucune structure appropriée pour que les jeunes puissent se distraire. C'était seulement sur le chemin de la fontaine qu'on exprimait sa jeunesse. S'agit-il d'un roman autobiographique? Ecrire, c'est vivre des tensions et ces tensions, on les exprime à travers notre image inconsciente et notre vécu. Ce roman est le film d'une époque que nous avons tous vécue. Ce n'est pas de la fiction. Le livre est inspiré de faits réels. Tous les lecteurs vont se sentir concernés par ce qui est rapporté dans ce roman. Qu'en est-il de la trame du livre? Le livre parle des villages abandonnés pendant l'hiver. Ces derniers retrouvaient une certaine ambiance au début de l'été grâce au retour des émigrés, des étudiants et aux fêtes familiales. J'ai choisi quatre tableaux dans ce roman: d'abord, le chemin de la fontaine que tout le monde empruntait, avec ses moments de joie. Ceux qui avaient des moyens se permettaient des moments d'évasion en dehors du village. Enfin, l'ambiance durant le mois de Ramadhan. Les événements que vous décrivez dans votre livre se sont déroulés en Kabylie durant quelles années? Les événements se sont produits durant la fin des années soixante-dix. J'ai été trop marqué par mon adolescence. Pour moi, l'adolescence est le carrefour de toute vie. C'est à partir de cette tranche de vie que les choses commencent par s'éclaircir pour tout individu. Quels sont les écrivains qui vous inspirent? Comme peut le suggérer le titre de mon livre, Mouloud Feraoun est le premier écrivain qui m'a marqué et inspiré. Quand j'ai lu les romans de Mouloud Feraoun, je me suis retrouvé dans beaucoup de scènes décrites. Je me suis vraiment senti transporté dedans. D'ailleurs, les oeuvres de Mouloud Feraoun sont toujours d'actualité. En lisant mon roman, le lecteur va sans doute retrouver les traces qu'ont laissé en moi les romans de Feraoun. J'ai aussi été marqué par la lecture des romans de Mouloud Mammeri, Victor Hugo et Alexandre Dumas. Quels sont vos projets dans le domaine de l'écriture? Je suis en train d'écrire un deuxième roman, toujours en tamazight, intitulé Tiwizi. Pour un villageois, tiwizi est synonyme d'évasion, de liberté et d'ambiance naturelle. Mon but, en écrivant ce livre, est de restituer cet événement. Tiwizi était un événement que tout le monde attendait avec impatience. Je prépare aussi des livres destinés aux enseignants de langue française. Vous avez aussi lancé une maison d'édition. Est-ce un travail facile, l'édition de livres? J'ai créé une maison d'édition en 2008. L'objectif est la promotion de la culture en général. Nous avons d'abord édité une revue Master. L'objectif de cette publication est d'inciter les gens à lire. Nous avons ensuite publié un essai intitulé Continuité dans les religions monothéistes, écrit par Brahim Mokrani, docteur d'Etat en physique, travaillant en Allemagne. Il a fallu vingt ans à l'auteur pour terminer l'écriture de son ouvrage. Le prochain livre que nous allons éditer est un recueil de poésies en langue française de Mohamed Aouane, intitulé Le Rêve.