En proie à de sérieux problèmes sociaux et économiques, Nicolas Sarkozy a choisi la fuite en avant. Le président de la République française, qui comptait se refaire une virginité en lançant un débat sur l'identité nationale et en particulier celui plus classique sur l'immigration, traditionnellement porteur en période électorale, a eu pour conséquence de fissurer son propre camp politique. En saisissant la balle au bond et fonçant tête baissée sur le projet d'interdiction du port de la burqa lancé par le député communiste André Gérin qui réclamait une commission d'enquête parlementaire sur le port du voile intégral, le locataire de l'Elysée a fait sien un sujet, futile sous d'autres cieux, qui a fini par accaparer l'essentiel des interventions de la classe politique, toutes tendances confondues. Il ne lui a été, de surcroît, en rien utile, quant à sa cote de popularité qui a fondu comme neige au soleil. D'après un sondage publié le 12 janvier par le quotidien Libération, 56% des Français ont une opinion négative de son action. Le président français en mauvaise posture dans les sondages, trouvera-t-il grâce auprès de ses concitoyens à travers la polémique qui s'est installée à propos du projet d'interdiction du port de la burqa? Le sujet ne semble guère vouloir susciter d'engouement, encore moins d'emballement au sein de l'opinion. Les élections régionales qui approchent à grands pas, elles se tiendront les 14 et 21 mars 2010, se joueront très certainement sur des thèmes qui ont un lien direct avec le quotidien des Français, à savoir l'emploi et le pouvoir d'achat. Ceux qui symbolisent cette fracture sociale que Nicolas Sarkozy a promis de réduire. Une de ses promesses qui l'a conduit à l'Elysée et qu'il n'a pu tenir. «Je sais que vous vous êtes souvent sentis trahis par ceux à qui vous avez donné votre confiance. Je vais faire un serment. Je ne vous trahirai pas. Je ne vous mentirai pas. Je ne vous abandonnerai pas», a déclaré Nicolas Sarkozy à quelque 2300 militants lors d'un meeting qu'il a tenu en décembre 2006 dans les Ardennes. «Cette France qui souffre mais qui veut vivre debout sur sa terre et qui ne demande rien d'autre que la justice, je veux parler en son nom», avait-il ajouté. Le moment est venu de le prouver. Les classes moyennes et les catégories les plus pauvres auxquelles s'adressait Sarkozy, candidat à l'époque à la présidentielle de mai 2007, savent que ce n'est pas une loi sur l'interdiction du port de la burqa qui viendra à bout de leurs soucis. Leur président ne peut l'ignorer aussi. A moins que le chef de l'Etat français, qui excelle dans les discours populistes, n'ait décidé de se voiler la face. Dans ce cas-là, le revers risque d'être cuisant. L'échéance électorale qui se tiendra dans deux mois, se présente très mal pour la majorité présidentielle. «La droite va prendre une tôle, ça va être une catastrophe, une Bérézina. Si on ne perd pas l'Alsace, ce sera un vrai miracle» a ironisé, dans un constat sans concession, l'ancien ministre (UMP) de Jacques Chirac, Luc Ferry. L'UMP qui ne l'entend pas de cette oreille a ressorti la vieille artillerie qui lui avait assuré par le passé tant de succès: l'immigration, l'insécurité...Et qui mieux d'autre qu'un ministre de la Diversité issu de l'immigration, d'origine algérienne de surcroît, peut porter le débat au sein de l'opinion publique sans être taxé de raciste? Fadéla Amara est descendue dans l'arène et a repris à son compte le «Kärcher» de Sarkozy. «Oui, il faut nettoyer au Kärcher, nettoyer cette violence qui tue nos enfants dans les cités», a déclaré la secrétaire d'Etat à la Ville le 11 janvier dans une interview publiée par Le Progrès de Lyon. «Il existe une vraie insécurité dans certains quartiers populaires, avec des voyous qui prennent en otage les habitants», a ajouté celle qui a la charge de la politique de la Ville. Brice Hortefeux n'aurait pas fait mieux. Dans un tel cas, le tollé aurait été général. Là ça passe mieux. «Elle monte au créneau parce qu'elle est un bon petit soldat du sarkozysme», a estimé Azouz Begag, ancien ministre délégué à l'Egalité des chances de Sarkozy. Fadéla Amara qui drague les électeurs du Front national. Qui l'aurait pensé? La secrétaire d'Etat à la Ville est revenue à la charge mardi. Invitée du Gand journal de Canal+, elle a réaffirmé son soutien à l'interdiction du port de la burqa et sa volonté d'éradiquer la violence dans les banlieues. D'autres voix plus modérées s'élèvent contre ce type de discours. C'est le cas de Monique Crinon qui remet les pendules à l'heure. «Le gouvernement peine à trouver des arguments à la hauteur des enjeux. Ce détournement de l'information, fait aux dépens de femmes de la communauté musulmane qu'on criminalise, est une démarche aberrante», a fait justement remarquer la sociologue du Centre d'études et d'initiatives de solidarité internationale.