Après le débat controversé sur l'identité nationale, le président français s'attaque tête baissée à un des principes fondamentaux de l'égalité entre les citoyens. Le chef de l'Etat français a demandé dans un discours prononcé vendredi à Grenoble que la nationalité française puisse «être retirée à toute personne d'origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d'un policier, d'un gendarme, ou de tout autre dépositaire de l'autorité publique». L'allocution de Nicolas Sarkozy est révélatrice à plus d'un titre de la tournure que prendra la campagne présidentielle de 2012. Le président de la République française, dont les jours semblent être comptés à l'Elysée, joue là son va-tout et nous livre un avant-goût de ce que sera son thème de campagne favori: l'immigration. Un terrain de chasse qui revient naturellement à l'extrême droite et aux nostalgiques de l'Algérie française. En termes de voix, le parti de Jean-Marie Le Pen, qui devrait en toute logique céder sa place à sa fille Marine d'ici cette échéance, représente un réservoir électoral non négligeable, qui pourrait s'avérer déterminant pour la réélection de Nicolas Sarkozy, à condition d'obtenir les faveurs de ce dernier qui demeure très réceptif aux thèses racistes, xénophobes et populistes qui constituent les fondements mêmes du Front National. L'actuel locataire de l'Elysée prépare le terrain, il accuse un déficit de popularité inquiétant en ce qui concerne son avenir politique. L'observatoire de BVA pour Orange, L'Express et France Inter publié au début du mois de juillet 2010 indique qu'il a perdu 3 points de sa cote de popularité début juillet par rapport à fin mai, avec 33% de bonnes opinions contre 64% de mauvaises (+5). Il peaufine sa stratégie. Le président français a mis à profit l'installation du préfet de l'Isère pour fustiger les immigrés et les Français issus de l'immigration. Il a déploré l'échec du modèle français d'intégration des immigrés, à l'origine, selon lui, des problèmes de délinquance et d'insécurité que connaît actuellement l'Hexagone. Le discours de Nicolas Sarkozy a suscité une véritable levée de boucliers de la part des associations de défense des droits de l'homme et des étrangers. Il n'est plus celui du président de la France. «Il a manifestement choisi de diviser le pays en s'identifiant aux Français de souche et en accusant les Français d'origine étrangère comme les boucs émissaires de tous nos maux», a dénoncé la Ligue des droits de l'homme. Le MRAP, Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, n'a pas été par trente-six chemins et l'accuse de vouloir «mettre un peu plus à mal le principe fondamental d'égalité entre les citoyens en s'alignant sur les thèses du Front National au risque de les légitimer». Les Français d'origine étrangère sont-ils désormais frappés du sceau du soupçon? En d'autres mots, derrière tout Français d'origine étrangère se cache un délinquant en puissance. Une formule qui était réservée jusque-là aux immigrés d'origine maghrébine en général, et algérienne en particulier. «On ne peut s'empêcher de remarquer que le choix de distinguer les Français d'origine étrangère de leurs compatriotes d'origine non étrangère, d'opposer immigration et identité nationale par la création d'un ministère portant ce nom est une marque de fabrique de la présidence de M.Sarkozy qui participe de l'ère du soupçon à l'égard des Français d'origine étrangère», a fait remarquer l'auteur de «Qu'est-ce qu'un Français?», l'historien Patrick Weil. Au niveau des réactions des personnalités politiques, le projet en marche du chef de l'Etat français a trouvé gré aux yeux de Thierry Mariani: «Je me félicite de la déclaration de Nicolas Sarkozy puisque dans la prochaine loi d'immigration, je compte déposer un amendement qui va exactement dans ce sens...», a confié le député UMP. A gauche c'est sans doute de sa rivale malheureuse de l'élection présidentielle de 2007 qu'est partie l'une des contre-attaques fulgurantes contre ce projet aux relents xénophobes. «L'intervention du président Sarkozy marque une nouvelle étape dangereuse et indigne, dans une surenchère populiste et xénophobe. Cette fuite en avant sécuritaire symbolise l'échec de celui qui, hier comme ministre de l'Intérieur et aujourd'hui comme chef de l'Etat, n'a cessé de stigmatiser des territoires et des populations, sans jamais apporter de réponses concrètes à leur sécurité...Notre République est en train de pourrir par le sommet», a fait remarquer Ségolène Royal. Elle faisait notamment allusion au discours de Dakar prononcé par le chef de l'Etat français au mois de juillet 2007. «L'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire», avait déclaré Nicolas Sarkozy.