Le ciné-club de l'association Chrysalide avec le concours de l'association Cinéma et Mémoire a abrité, vendredi dernier, une série documentaire ayant été réalisée dans le cadre des Rencontres de films documentaires de Béjaïa de 2008 et 2009. Des documentaires plus ou moins intéressants, certains plus intimistes et personnels que d'autres plus aboutis ou émouvants. Sans voix off ni d'indication spatio-temporelle, la plupart s'apparentaient plus à des reportages qu'à des documentaires à proprement parler. Devant une salle comble, Le premier film à être diffusé est étrangement celui qui a le moins plus: Fateh (13') de Abdenour Ziani. Et pourtant ce dernier a bel et bien été sélectionné en compétition au Festival de Clermont-Ferrand (France) qui se tiendra à la fin du mois. On y découvre un plâtrier, Fateh, passionné de poésie qui n'hésite pas à encenser ses collègues de mots ciselés devant l'ébahissement de ces derniers qui le prennent pour un fou. Malgré son travail ingrat, Fateh se veut ouvert sur le monde. Il témoigne et loue dans ce documentaire le cinéma et ses faiseurs de magie. «Notre société est un asile psychiatrique», fait-il remarquer. Lui, l'incompris, se trouve confronté à l'aliénation d'autrui. Une histoire de regard et d'appréciation sur la beauté vue d'un oeil, interrogateur pas toujours au point d'où l'amateurisme qui se dégage de ce film un peu décalé. Dans Harguines Harguines (24'), Mériem Achour Bouakkaz est partie à la rencontre de quelques jeunes prédisposés à la harga. En septembre 2007, un bateau de la marine algérienne percute un chalutier en route vers la Sardaigne. Deux jeunes y laissent leur vie. Mériem connaît Fateh, l'un des passagers. Ensemble, ils vont à El Marsa, point de départ de l'embarcation où Fateh, Zoli, Ali et Michael se sont retrouvés pour faire ce voyage. Quel est donc ce rêve qui les a poussés à fuir l'Algérie malgré les risques? La misère essentiellement. Chacun va lui narrer sa triste condition de vie. «Pour prétendre me marier et avoir une famille stable il me faudra au moins 50 ans. Là-bas il sera peut-être la moitié. Je ne prétends pas trahir ma religion mais j'aspire juste à une chose: l'ehna», dit-il. Un mot qui sonne très fort en lui comme un trésor vainement recherché. Un père de famille interrogé crie son indignation. Son fils parti vers l'Italie, a été jeté en mer par les autorités portuaires après avoir été repêché. «Ils ne sont pas censés sauver des vies? Qu'on me ramène au moins le corps de mon fils!», s'insurge-t-il avec dépit et impuissance. Au désengagement de l'Etat, ces jeunes semblent être perçus comme des criminels subissant même des rackets de la part des policiers...Hogra? Ce film met le doigt sur un point important, la dépossession de ces êtres marginaux de leur dignité et de leurs droits pour le seul tort d'être nés pauvres et traités ainsi comme des parias par le système. Une dépossession matérialisée dans le film de Bahia Bencheikh-El-Fegoun qui, dans son documentaire C'est à Constantine (30'), évoque la perte de son patrimoine, sa chair et ses racines, bref son histoire et tente de reconstituer, avec sa soeur et son père, la tentative du retour par le questionnement. «Mon film pose la problématique de la responsabilité parce qu'il n y a pas eu de transmission filiale ni celle des autorités.» A Constantine, on y rentre comme un étranger. Bahia filme cette ville avec un oeil extérieur. C'est une ville «triste, accablée» qui est mise à nu devant nos yeux. Bahia tente de faire parler les arbres et les pierres pour se rappeler son histoire. Face à cette fuite en avant même de la société, ses enfants et habitants, elle y oppose «la reconstruction de soi» comme alternative pour avancer. Un film critique et dur. Dans Retour vers un point d'équilibre (23 mn) Nadia Chouïeb, Franco-Algérienne, questionne et tente de recréer les éléments qui constituent son identité, ses identités et ce, à travers un voyage visuel et symbolique. Le film s'ouvre sur une tombe chrétienne. Le journaliste Omar Zelig, Algérien d'origine française, est interrogé au tout début sur la notion d'identité. Il lui tend sa carte nationale et lui avoue ne pas avoir été chercher son autre identité française... Le film oscille entre des scènes culturellement algériennes ou arabes comme le maquillage au khoul et le mariage traditionnel et des paysages naturels de la campagne française. La réalisatrice oppose sciemment ces deux contrées et façon de vivre pour extraire sa dualité, ce qui fait son identité plurielle. La notion de contraste est encore frappante et mise en avant dans le documentaire Une simple visite (20mn) de Abderahmane Krimat. Ce dernier, qui accompagne son ami Djilali à El Beyadh - une région du Sud algérien - relève les contradictions de vie de ces nomades qui vivent encore dans des tentes et suivent les points d'eau pour abreuver leurs bêtes. Mais un des nomades, vraisemblablement, désire partir vivre en ville. Face aux rudimentaires conditions de vie, on parle pourtant de télévision, on évoque la dizaine de chaînes parabolées, etc. Ça prête à sourire et pourtant c'est une chose tout à fait normale et basique en ville. «Si tu ne prends pas soin de l'éducation de tes enfants, la télé s'en chargera», dit l'un des nomades. Enfin, dans le dernier documentaire présenté, La Troisième vie de Kateb Yacine (25 mn), le journaliste et metteur en scène, Brahim Hadj Slimane, va à la rencontre des comédiens de la troupe de théâtre de Kateb Yacine pour reconstruire quelques fragments de la vie du père de Nedjma. Les compagnons de Yacine se souviennent... On retrouve l'incontournable comédien et compagnon de route de Kateb Yacine, Mahfoud, mais aussi des musiciens et autres comédiens de la nouvelle génération. Alors que les gens pensaient qu'il allait s'exiler durant ses dernières années, Kateb Yacine a préféré rester et militer pour le théâtre, nous apprend-on. Court et pas assez fouillé, ce film nous a laissés sur notre faim. Il gagnerait à enrichir ses informations. A titre indicatif, le texte de la pièce La Valise.. est chez son fils. Pas la peine donc de la chercher.