Les conservateurs ont renforcé leur emprise sur les Frères musulmans égyptiens, avec l'annonce hier de la nomination de l'un des leurs à la tête de ce mouvement, première force d'opposition du pays. Mohammed Badie remplace Mehdi Akef, un membre de la «vieille garde» dont le mandat venait à expiration, qui s'était mis lui-même en retrait en octobre dernier en raison de profondes divergences entre conservateurs et réformistes. M.Akef a annoncé lors d'une conférence de presse au Caire que son successeur avait été choisi «par consensus» au sein du Conseil consultatif de la confrérie. M.Badie, un ancien radical, a de son côté, multiplié les déclarations mesurées. «Nous croyons à la réforme progressive par des moyens pacifiques et constitutionnels, nous refusons la violence», a-t-il assuré. «Les Frères musulmans estiment que tout régime politique doit préserver les libertés individuelles et la démocratie, et ils appuient la séparation des pouvoirs» législatif, judiciaire et exécutif, a-t-il poursuivi. Il a notamment dénoncé les violences confessionnelles, qui se sont traduites, début janvier par le meurtre de six membres de la communauté chrétienne copte dans une localité de Haute Egypte. Mohammed Badie, né en 1943 à Mahalla, dans le delta du Nil, est enseignant en médecine vétérinaire. Il devient le 8è «guide» des Frères musulmans d'Egypte, fondés en 1928 et qui constituent aujourd'hui la branche la plus ancienne et la plus importante du réseau des Frères musulmans dans le monde, sur lequel ils gardent une primauté symbolique. Partisans de l'instauration d'un système fondé sur l'islam et la charia, les Frères musulmans sont toutefois profondément divisés sur la stratégie à tenir. Les conservateurs veulent mettre l'accent sur l'islamisation en profondeur de la société, tandis que les réformateurs préconisent une approche plus politique et sont ouverts à des alliances avec l'opposition. Ce renforcement du camp conservateur pourrait ainsi marquer un relatif retrait de la confrérie du champ politique, alors que le pays se prépare à des élections législatives à l'automne 2010, puis présidentielle début 2011, estiment des spécialistes. Avec Mohammed Badie, jusqu'à présent chargé des questions d'enseignement idéologique, «les Frères veulent peut-être mettre davantage l'accent sur l'éducation et le travail d'organisation, et moins sur l'action politique», estime Adbelmoneim Mahmoud, un journaliste proche de la confrérie. Pour Dia Rashwan, du Centre Al-Ahram d'études politiques, avec M.Badie «il y aura une diminution de l'action publique, et une plus grande insistance sur le travail idéologique». M.Badie lui-même a tenu des propos mesurés vis-à-vis du pouvoir du président Hosni Moubarak et des autres gouvernements du monde musulman, assurant qu'il n'étaient «pas des adversaires». «Notre position vis-à-vis des régimes en place consiste à appuyer ce qui nous semble bon et à nous opposer à ce qui nous semble mauvais», a-t-il ajouté. Les Frères musulmans sont officiellement interdits en tant que parti politique en Egypte, mais relativement tolérés dans les faits, même si leurs mem-bres font régulièrement l'objet d'arrestations. Ils avaient fait une percée historique aux législatives de 2005, remportant un cinquième des sièges au Parlement avec des députés étiquetés «indépendants». Le 21 décembre dernier, la confrérie avait déjà annoncé avoir élu un nouveau bureau exécutif à ancrage conservateur et axé sur la religion.