Les quartiers populaires sont devenus des brasiers potentiels qui peuvent provoquer un embrasement social. Une explosion de gaz a fait quatre morts et 14 blessés. Cela s'est produit, hier, à la cité Chevalley, au quartier Climat de France à Alger. C'est le bilan provisoire donné par les services de la Protection civile de la wilaya dépêchés sur les lieux. Parmi les victimes figurent deux femmes, l'une âgée de 76 ans et l'autre de 59 ans. Deux jeunes âgés, respectivement, de 28 et 17 ans ont, également, trouvé la mort. «Cela fait une semaine que nous essayons d'attirer l'attention des services de la Sonelgaz sur cette fuite. Nos tentatives sont restées vaines», a regretté Mohamed, un jeune de 25 ans, habitant le quartier. De son côté, Billal, 22 ans, n'arrive pas à digérer la perte de son ami Raouf qui figure parmi les personnes décédées. Agé de 17 ans, ce dernier avait quitté l'école prématurément. «Il a été emporté par la déflagration alors qu'il dormait. Pas plus tard qu'hier, il était avec nous», se souvient-il. Son regard scrute les décombres. Les pompiers viennent d'extirper un corps, c'est celui de son ami Raouf. Le regretté rejoint son oncle Hassen. Ce dernier était vendeur de fruits et légumes. A leur arrivée sur le lieu du drame, les sapeurs-pompiers ont pu extraire des décombres une fillette de quatre ans qui s'en est tirée miraculeusement. La panique a été générale, hier, dans ce quartier pauvre au coeur de la capitale. Abasourdis, les citoyens rencontrés sur place étaient comme sous le coup d'un assommoir. Est-ce la banalisation de la mort ou parce que le choc a été terrible? En tout cas, «ce calme» apparent face à un pareil drame a surpris plus d'un. «Nous redoutons que ce calme ne soit le prélude d'une explosion sociale», s'est inquiété un homme, la quarantaine révolue, intrigué. Son inquiétude est compréhensible, d'autant que des cas graves sont à déplorer parmi les blessés. Choquée par l'explosion, deux femmes enceintes ont été évacuées vers la clinique Gharafa, ex-Durando, de Bab El Oued, les autres blessés vers l'hôpital de Birtraria et le Centre hôspitalo-univérsitaire de Bab El Oued. L'accident s'est produit aux environs de 8h45 au quatrième étage d'un immeuble. Lequel contient 16 appartements dont des constructions illicites. Ainsi, sept demeures ont été complètement détruites. Sur cet ensemble figurent deux baraques construites illégalement, sur la terrasse de l'édifice. Les versions divergent sur les circonstances de l'accident. «Nous ne pouvons établir, pour le moment, les causes de cette explosion», a indiqué M.Toufik Afif, chargé de la sécurité à la direction de la Sonelgaz, à Alger. Même son de cloche chez M.Meziane Saïd, wali délégué de la Circonscription administrative de Bab El Oued. «Une enquête est ouverte par les services de la police scientifique pour déterminer les circonstances de ce malheureux accident», a affirmé ce dernier. Cette version semble ne pas faire l'unanimité chez les habitants du quartier endeuillé. Selon des témoignages recueillis sur place, l'explosion serait due à une fuite de gaz. Ainsi, la déflagration se serait produite au moment où une femme, parmi les victimes, aurait allumé la lumière. Depuis quelques années, la Sonelgaz mène des campagnes de sensibilisation sur les risques liés à l'utilisation du gaz. Cette année, l'entreprise s'est distinguée par sa timidité sur ce chapitre. Pourquoi cette négligence? A telle enseigne que les accidents de ce genre se sont multipliés et le nombre de victimes s'est élevé. Nombreux sont les citoyens qui sont morts victimes de déflagrations dues à des fuites, ou à l'inhalation de gaz. Les quartiers populaires sont devenus des brasiers potentiels. Et cela peut engendrer un embrasement social. Ce qui s'est passé à la cité Chevalley doit inciter à réfléchir sur la question. Et pour cause, l'impact de l'explosion est tel qu'il a fallu une forte mobilisation des différents services de la wilaya d'Alger. A ce titre, la Protection civile a dépêché une centaine d'éléments. Ces derniers sont équipés de six ambulances médicalisées, trois camions anti-incendie. Pour leur part, les services sanitaires ont engagé sept unités et neuf ambulances médicalisées. La cité Chevalley connaît la plus forte densité de population du quartier Climat de France. Le quartier compte plus de 14.000 habitants. Vétustes, les immeubles de ce quartier abritent un nombre important de constructions illicites. Dans ces conditions la multiplication de ce genre d'accidents n'est pas à écarter.