Les lions de l'Akfadou, dans la wilaya de Béjaïa, ont répondu à l'appel de Abdelmadjid Azzi, l'auteur de l'ouvrage. «C'est l'indépendance des mémoires», s'émerveillait, hier, une dame. Sur ses cheveux défaits, se déclinaient des lignes blanches sur lesquelles sont écrites 50 années d'une vie pleine. Sous ses lunettes, son regard est porté sur l'invité du jour. Abdelmadjid Azzi, ancien combattant de la guerre de Libération nationale, est l'hôte du Café littéraire L'île lettrée. Le jeu de mots est saisissant. Humble et courtois, M.Azzi est venu pour assurer la vente-dédicace de son livre Parcours d'un combattant de l'ALN, Wilaya III. A son appel, les anciens frères de lutte ont répondu présent. Ponctuels comme à l'époque de la guerre de Libération nationale, tous étaient là au rendez-vous convenu, à 14 h00 tapantes. Comme s'il était toujours là, le valeureux martyr Ahmed Zabana, dont la rue porte le nom, semblait accueillir les autres invités. Alger vit un moment historique. Les anciens compagnons de lutte se sont donné le mot. Ils sont venus chacun portant sa propre histoire, sa propre légende, son propre combat. Les tables de l'établissement étaient occupées. Comme une abeille, la serveuse passait d'une table à l'autre. Il fallait veiller aux petits soins des anciens compagnons du colonel Amirouche. Il fallait savoir respecter et témoigner aux lions de l'Akfadou et de la vallée de la Soumam, le berceau des premières assises du FLN. Au fond de la salle, l'auteur dédicaçait des exemplaires de son ouvrage à des hôtes ravis. «A travers mon témoignage, je voulais montrer que la lutte pour l'indépendance était une lutte populaire qui avait pour objectif de détruire le système sociopolitique colonial», explique l'ex-infirmier de l'ALN. Etalé sur 304 pages, le livre se décline en trois parties. La première concerne l'enfance de l'auteur et ses premiers pas dans la lutte armée. «Bref, l'épisode de mon enfance raconte des événements qui m'ont marqué à vie», dit, simplement, le vieux routier des luttes syndicales. Ce dernier replonge dans le centre de son univers...le parcours est jonché d'évènements douloureux certes, mais qui apprennent à distinguer la grandeur des choses dans leur petitesse, à apprécier l'extraordinaire dans les faits anodins. Ainsi, l'enfant Abdelmadjid découvre le sens profond de l'humanisme dans les entrailles du peuple. Cet enseignement allait faire de lui un infirmier dévoué dans les maquis de la Wilaya III. Par la force des choses, l'infirmier allait exercer comme...médecin. «Il fallait montrer que le FLN était capable de prendre en charge les combattants et la population», explique l'ancien maquisard. N'ayant pas bénéficié de formation au préalable, l'auteur allait apprendre le métier sur le tas. A l'image de ses compagnons, il avait la lourde responsabilité de soigner les blessés. «Des fois, nous étions amenés à faire des amputations avec une anesthésie générale», se souvient l'ancien soigneur. Peu de choses ont été dites et écrites sur le service santé de l'ALN. Pourtant, les blouses blanches sous la bannière de la lutte ont joué un rôle de premier ordre durant la guerre de Libération. «Je me dois à la vérité de dire que Abdelmadjid m'a sauvé la vie», avoue Hocine Medjkoun. Cet ancien coordonnateur de l'ALN fut gravement blessé lors d'une bataille féroce entre une compagnie des moudjahidine et les parachutistes coloniaux. Atteint de plusieurs balles, M.Medjkoun fut pris en charge par son compagnon. «C'est lui qui a extrait les balles», précise ce dernier. Parmi les présents se dressait comme une montagne majestueuse, Dda Mohand Arab Agsous, ex-lieutenant de l'ALN, sous les ordres duquel M.Azzi veillait aux soins des combattants. Cette montagne faisait face à un autre monument: le général Abdelhamid Djouadi. Entre les deux s'élevait un mont: Mahmoud l'Argentin, de son vrai nom Muin Roberto, un Latino-Américain. Un autre sommet tenait place: M Djoudi Attoumi, lui aussi ancien compagnon de lutte qui n'est autre que le secrétaire personnel du colonel Amirouche. «Ce travail est excellent!», apprécie l'auteur de plusieurs ouvrages sur la lutte pour l'indépendance, notamment dans la wilaya III. Cependant, ce dernier apostrophe M.Azzi sur un point: «Tu n'as pas évoqué ton père en tant que martyr.» Avec un sourire qui renseigne sur l'étendue de son humilité, M.Azzi raconte comment son père fut arrêté en compagnie de 14 notables d'Akbou, dans la wilaya de Béjaïa. Ils furent conduits dans le stade de la ville où ils furent torturés pendant une semaine. Depuis, ils furent portés disparus. Le Café littéraire L'île lettrée, fut rehaussé par la présence d'un autre monument, M.Mohamed Sebkhi, ex-agent de liaison qui travaillait directement sous les ordres du colonel Amirouche. C'est lui qui a dénoncé le premier capitaine de l'ALN qui s'était rendu aux forces coloniales. La fameuse opération appelée «Bleuite», était lancée. C'est dire que les montagnes se rencontrent finalement. Pour cela, il suffit de retracer «le parcours du combattant». écrit d'un style romancé et raffiné, la lecture de ce livre est un pur bonheur. «Quand M.Azzi m'a proposé le livre, je m'attendais à une simple présentation chronologique d'événements. Dès que j'ai commencé à le lire, je fus frappé par le style. C'est comme si une voix douce vous racontait une histoire», témoigne, pour sa part, M.Sid Akli Sekhri, propriétaire de la librairie-édition Mille-Feuilles, qui prend en charge la diffusion du livre. Actuellement, 1000 exemplaires de l'ouvrage sont sur les étals. Lire ce témoignage, c'est se réapproprier son histoire.