La campagne de vaccination contre la grippe A/H1N1 a été un fiasco, elle a été menée au rythme du malaise qui ronge les hôpitaux algériens et des revendications des syndicats de praticiens et des praticiens spécialistes. Le communiqué du ministère de la Santé qui est tombé dimanche pour expliquer l'abandon des trois quarts de la quantité de vaccins, qui devait être réceptionnée, soit 15 millions de doses sur un total annoncé de 20.000.000, résume à lui seul tout le cafouillage dans lequel baigne le département de Saïd Barkat. «Compte tenu de la situation internationale marquée par le déclin de l'activité grippale et la non-adhésion à la vaccination de la population et, notamment, du personnel de la santé, et compte tenu de la situation épidémiologique et virologique actuelle, la recommandation du comité des experts siégeant auprès du ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, proposant de réadapter la stratégie vaccinale contre la grippe A/H1N1 a été examinée et entérinée en réunion de gouvernement», a indiqué le ministère de la Santé. La campagne de vaccination a fait chou blanc! La faute à qui? Aux citoyens et au personnel de la santé qui l'ont boudée, nous dit-on. Un constat dûment établi par un comité d'experts. Comme un aphorisme. Depuis le début de la pandémie, les communiqués se sont succédé, laconiques et austères, comme s'ils nous parvenaient du Kremlin ou d'une quelconque autre place forte du centralisme bureaucratique. Froids, rigides, avec la même litanie au fur et à mesure que s'égrenait la longue liste des personnes contaminées pour les uns et des décédés pour les autres. Le 26 novembre, les chiffres communiqués par le ministère de la Santé faisaient part de 47 décès et de 746 cas de contamination. Soit une moyenne de 20 victimes par mois. Le virus de la grippe A venait d'entrer dans sa phase la plus meurtrière. Le fatalisme s'étant érigé en culture philosophique en Algérie, il ne restait plus qu'à s'en remettre au Tout-Puissant. Il faut dire, aussi, que les médecins n'étaient pas en mesure de nous fournir de plus amples informations mis à part celles distillées par l'Organisation mondiale de la santé et répercutées par la presse. Quand aux orientations du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière pour éviter la contamination, elles recommandaient essentiellement de se laver régulièrement les mains. Quand on sait l'état et le degré d'insalubrité dans lesquels se trouvent les hôpitaux, le nombre d'écoles, d'administrations, d'universités qui ne disposent même pas des conditions d'hygiène les plus élémentaires (eau, savon, essuie-mains, toilettes...), ces recommandations prennent l'allure d'une grossière plaisanterie. Et pourtant, il n'y avait pas de quoi prendre les choses par-dessus la jambe. L'affaire était jugée trop sérieuse. Voire dramatique. Une hécatombe. Une catastrophe humanitaire. Et c'est la tournure même que lui a imprimée le premier responsable du secteur de la santé. Les prévisions, en attendant les statistiques, ont commencé à pleuvoir. Des chiffres stressants: 10% de la population sera contaminée d'ici la fin 2010 nous apprend-on. 3600 personnes pourraient trouver la mort selon certaines projections...La population quant à elle ne s'affole point. Sa réaction sonne comme un désaveu, une réponse, un retrait de confiance à l'égard de ceux qui ont en charge ses préoccupations quotidiennes. La santé publique? Ils en connaissent un rayon. Elle est à l'image de la gestion de la crise du lait ou de celle de la pomme de terre...«L'Algérie a commandé 65 millions de doses de ce vaccin auprès de quatre laboratoires internationaux, et le premier arrivage de 20 millions de doses sera disponible dans les prochains jours», avait déclaré Saïd Barkat à la presse, dès le mois de septembre, à l'occasion de la rentrée scolaire 2009-2010 et en marge d'un cours inaugural sur la prévention de la grippe A/H1N1. Résultat des courses: seulement près d'un tiers de cette commande devait être réceptionné, soit 20 millions de doses dont un premier arrivage de 900.000 la première semaine de décembre. Le personnel de la santé, qui devait être vacciné en priorité, au même titre que certains corps constitués, a boycotté la campagne sur fond de grève et de bras fer avec sa tutelle. Les praticiens de la santé rejettent le projet de décret qui concerne leur statut particulier. Un dialogue de sourds s'est installé depuis plus de deux mois entre Saïd Barkat et les deux principaux syndicats des praticiens et des praticiens spécialistes de la santé publique, le Snpsp et le Snpssp. La crise est cependant beaucoup plus profonde et sérieuse, elle dure depuis déjà quelques...années. Sur un autre plan, les négociations qui consistent pour le ministère de la Santé à renoncer à une grande partie de la commande du vaccin contre la grippe A, soit 15 millions de doses, ne s'annonce pas comme une simple partie de plaisir pour Saïd Barkat qui doit ferrailler sur au moins deux fronts, la grève des praticiens et la campagne de vaccination, pour tenter de ramener un semblant de sérénité à son secteur.