La bataille de Marjah serait, selon des analystes, une sorte de laboratoire pour tester la stratégie de contre-insurrection dessinée par le général américain Stanley McChrystal. L'offensive majeure annoncée depuis plusieurs jours dans un fief des taliban dans le sud de l'Afghanistan constituera le premier véritable test de la stratégie du président américain Barack Obama pour mettre un terme à la guerre et passer la main aux autorités afghanes. L'opération Mushtarak - «ensemble» en dari - doit permettre de reprendre aux taliban la zone de Marjah, dans la province du Helmand, l'une des principales régions productrice d'opium, une source importante de revenus pour les insurgés. Puis d'en confier de nouveau des rênes aux militaires afghans et ensuite aux autorités civiles, dans le droit fil de ce que les Etats-Unis, principal bailleur de fonds et pourvoyeur de troupes, veulent réaliser dans tout le pays pour retirer leurs troupes le plus rapidement possible, à partir de la mi-2011 comme l'a promis M. Obama. La bataille de Marjah, une plaine agricole dans la vallée de la rivière Helmand, serait donc selon des analystes une sorte de laboratoire pour tester la stratégie de contre-insurrection dessinée par le général américain Stanley McChrystal, commandant des forces américaines et de l'Otan en Afghanistan, et dont l'un des objectifs est de «gagner le coeur et l'esprit» des Afghans. Une stratégie qui se combinerait avec celle avancée par le président afghan Hamid Karzaï, avec la bénédiction de la communauté internationale, consistant à proposer aux taliban argent et emplois pour réintégrer la vie civile. «Cet assaut vise à prouver la force du gouvernement, montrer aux taliban qu'ils ne peuvent se mettre à l'abri nulle part et qu'il n'y a d'autre issue que la réconciliation», estime Ahmad Saedi, un politologue afghan. Les taliban assurent qu'ils se battront pour Marjah, mais des experts rappellent que lors des offensives des forces internationales par le passé, les insurgés n'ont jamais offert une grande résistance, se repliant dans les montagnes pour poursuivre les actions de guérilla. Une stratégie qui leur a permis, ces deux dernières années, de considérablement intensifier leur insurrection et de l'étendre à la quasitotalité du pays, infligeant des pertes toujours plus lourdes aux forces étrangères. «Les taliban veulent se battre mais ils ne le feront pas frontalement parce qu'ils savent qu'ils subiront de lourdes pertes», analyse ainsi Waheed Mujda, ancien haut-responsable du régime des taliban (1996-2001). «Au lieu de cela, ils vont harceler les forces internationales, qui vont perdre des soldats victimes de bombes artisanales», l'arme principale des taliban avec les attentats-suicides, poursuit M.Mujda. Après avoir repris Marjah, il faudra donc tenir le terrain et rétablir les autorités civiles et militaires tout en oeuvrant à la «réconciliation». «Il faudra coordonner efforts militaires et de négociation», prévient ainsi Norine MacDonald, qui préside le groupe d'experts londonien International Council on Security and Development. «Si vous repoussez les insurgés, mais que vous ne tenez pas le terrain ensuite, alors l'offensive est inutile», reconnaît le général canadien, Eric Tremblay, porte-parole de l'Isaf, la force de l'Otan. «L'opération doit créer un environnement dans lequel on peut restaurer les autorités et engager le développement, cela ne doit pas simplement être une démonstration militaire». «Nous avons toujours dit qu'il ne s'agissait pas nécessairement de tuer des insurgés, mais s'ils combattent les forces afghanes et de l'Isaf ils seront tués» menace-t-il toutefois.