Le nombre énorme de militaires déployés, l'importance de la couverture médiatique et l'ampleur de la communication par le commandement militaire de l'Otan, semblent démesurés pour une simple bataille. Quelque 15.000 soldats étrangers et afghans, des moyens logistiques considérables, une couverture médiatique intense: l'offensive de l'Otan à Marjah, dans le Sud afghan, ne se limite pas au contrôle de ce grenier à pavot et pourrait cacher d'autres objectifs. Présentée par les forces internationales comme la plus importante démonstration de force depuis la chute des taliban fin 2001, l'opération Mushtarak revêt une dimension militaire évidente mais aussi largement politique et symbolique, selon des experts. Le nombre énorme de militaires déployés, l'importance de la couverture médiatique (notamment via des journalistes intégrés dans des unités de marines américains) et l'ampleur de la communication par le commandement militaire de l'Otan, semblent démesurés pour une simple bataille pour une petite zone rurale de la province du Helmand. «La valeur de cette opération est plus politique que militaire», estime Ahmad Behzad, un député afghan et analyste politique. «Il s'agit d'influencer les opinions publiques dans les pays qui constituent l'essentiel des forces de la coalition et de montrer au public occidental qu'ils ont la main haute sur l'opération et ne perdent pas la guerre», ajoute M.Behzad. Les marines américains mènent l'opération, soutenus par les forces afghanes et des troupes de l'Otan, à Marjah, contrôlé depuis des années par des insurgés et par des barons de la drogue. Le but affiché de Mushtarak est de rétablir la souveraineté du gouvernement afghan sur cette région du sud afghan. Marjah et ses environs est un des fiefs des insurgés islamistes et un grenier à pavot de l'Afghanistan, la matière première de l'opium et de l'héroïne dont les taliban tirent une grande partie de leurs ressources. Il s'agit du premier test pour l'armée américaine depuis l'adoption d'une nouvelle stratégie de contre-insurrection sous l'impulsion du président américain Barack Obama et l'annonce en décembre de 30.000 militaires américains en renforts. Avec 10.000 soldats d'autres pays à venir, les forces internationales devraient atteindre 150.000 hommes d'ici août 2010. «Marjah était un centre pour le commerce de drogue, la culture d'opium, le financement et la présence d'insurgés», souligne le général Zahir Azimi, porte-parole du ministre afghan de la Défense. Mais pour Norine MacDonald, présidente de l'organisation International Council on Security and Development, cette stratégie pourrait être «contre-productive». «J'espère que ces troupes supplémentaires seront utilisées par la suite pour un objectif qui aura un impact réel sur la présence taliban et sur le peuple lui-même», estime Mme MacDonald. Le gouverneur du Helmand, Gulab Mangal, a indiqué lundi que trois autres districts étaient en ligne de mire: Dishu, Washer et Baghran. Un haut responsable militaire afghan s'exprimant sous couvert de l'anonymat a souligné que l'opération à Marjah n'était qu'un début. «Je pense que cette opération ira de Marjah à d'autres districts sous contrôle taliban et qu'ensuite elle s'étendra aux provinces voisines. Il s'agit de nettoyer le coeur du territoire taliban et ensuite d'élargir le cercle», a indiqué ce général afghan. «Marjah est un centre tactique pour les taliban mais leurs principales bases et leurs centres de commandement sont Dishu, Washer et Baghran d'où ils influencent la province d'Uruzgan et transitent via la frontière vers le Pakistan», ajoute-t-il. Khanjari, un chef de tribu de Marjah, s'est dit surpris par l'ampleur de l'opération. «On dirait qu'ils vont envahir un pays, pas un district de la taille de Nad Ali» où est situé Marjah, dit-il. «Je pense qu'ils ont d'autres objectifs que simplement prendre Marjah», résume-t-il.