Au lieu d'assurer la mise en place de moyens à même de contribuer à la sécurité routière, la loi réprime un piéton livré à lui-même. Désormais, le non-respect par les piétons des passages protégés, sera perçu comme une infraction et sanctionné par le paiement d'une amende de 2000 DA. Idem si le piéton emprunte la voie automobiliste, ne serait-ce que pour quelques pas. Ces nouvelles dispositions coercitives, introduites dans le nouveau Code de la route, entré officiellement en vigueur depuis le 1er février en cours, n'ont pas été sans soulever moult interrogations chez les piétons, jusque-là épargnés. «Où vivent ces législateurs, connaissent-ils quelque chose sur la situation des trottoirs en Algérie?», s'emporte un citoyen ayant appris la nature des sanctions contenues dans le nouveau Code de la route. En effet, les piétons sont réellement déconcertés par ces amendes jugées incompatibles avec la réalité. Et pour cause. Les passages pour piétons sont, dans certaines régions, quasi inexistants, et quand ils existent, la plupart ne sont pas visibles ou sont loin des points à forte affluence. Pour ce qui est de l'usage des trottoirs, le piéton doit être un véritable gymnaste. Ces espaces deviennent carrément une propriété privée. Jugez-en. Alors que la logique voudrait que les trottoirs soient destinés à l'usage pédestre, des automobilistes en font leur lieu privilégié pour stationner leurs véhicules. Afin de se rendre au travail, s'arrêter près d'un commerce pour faire leurs emplettes ou simplement pour prendre un café au coin de la rue, de nombreux automobilistes, inconscience ou manque de civisme, s'arrogent ce droit au mépris de la sécurité et du bien-être du piéton. Plus, comment peut-on sanctionner un piéton qui n'emprunte pas les trottoirs alors que, souvent, ces derniers sont squattés par des commerçants? Le piéton, faut-il le dire, ne «boude» pas son trottoir sans raison. Le législateur ne semble pas avoir pensé à cet état de fait qui est loin de contribuer à la sécurité routière. L'implantation anarchique des panneaux publicitaires pousse également le citoyen à délaisser le trottoir. Un autre phénomène qui prend également de l'ampleur et dont le piéton est seul à en faire les frais. Il s'agit, sans conteste, des parkings anarchiques qui poussent comme des champignons, squattant de plus en plus d'espaces destinés aux piétons. Les responsables des collectivités locales laissent faire de leur côté, et donnent l'impression d'être complètement dépassés. De ce fait, le piéton se retrouve doublement pénalisé: et par la loi et par les squatters des trottoirs. Aussi, les trottoirs dans les grandes villes algériennes, sont d'éternels chantiers. Les passagers les évitent au risque d'être victimes d'un accident alors que, par ailleurs, utiliser la chaussée expose à des dangers encore plus grands. Les sanctions pour non-usage des passerelles sont également controversées. En effet, ces passerelles sont très rares, notamment dans les régions enclavées du pays et à proximité des établissement scolaires. Combien d'écoliers ont été fauchés en tentant de traverser la route? Ils se comptent par centaines, en effet. D'autre part, l'emplacement des passerelles n'est pas toujours hors de cause. Souvent, il est très mal étudié, sinon, comment expliquer l'existence de ces passerelles loin des zones habitées et de celles à forte affluence? De l'avis de beaucoup d'observateurs, cette nouvelle réglementation revêt un caractère pédagogique et éducatif. Elle intervient pour discipliner le comportement du citoyen appelé à faire preuve de civisme, et ce, au moment où le terrorisme routier endeuille de plus en plus de familles. Cependant, l'application de cette réglementation paraît impossible du fait qu'elle n'a pas été accompagnée par un certain nombre de mesures pour le moins nécessaires, à commencer par la sensibilisation. Piétons comme conducteurs, ont été pris au dépourvu par cette nouvelle réglementation qui risque de faire plus de mal que de bien. Une fois de plus, la communication semble faire défaut au niveau de nos prestigieuses institutions. Aussi, faut-il garantir au citoyen ses droit avant de le confronter à ses responsabilités. Conclusion: dans le souci de mettre fin à l'hécatombe routière, les pouvoirs publics auraient pu penser à une bien meilleure solution au lieu de faire dans le tout-répressif, et de préconiser des lois qui relèvent du surréalisme.