Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Oran Mohamed Ouanezar Le code algérien de la route, dans sa version modifiée et complétée par l'ordonnance n°09-03 du 19 août 2009, attire l'attention et fait surtout polémique dans tous les milieux. La polémique a trait surtout à son caractère délibérément répressif et surtout paradoxal. Si tout le monde convient qu'il faut mettre en place un système de dissuasion et de coercition à l'égard aussi bien des automobilistes que des piétons de plus en plus pointés du doigt ces derniers temps, la manière dont doivent être réglés ces aspects ne fait pas l'unanimité. Et pour cause, le tout répressif imaginé par le législateur algérien ne semble pas à même d'endiguer le phénomène des accidents meurtriers et des dépassements inquiétants à l'égard du droit d'autrui à la vie. Il n'échappe à personne que, durant les dernières années, les grandes villes du pays ont été soumises à une anarchie qui a touché tous les domaines de l'activité citadine. Cela pour des raisons sociologiques, sécuritaires et autres économiques qui restent à élucider par les spécialistes de la question. Mais, le plus frappant sans doute dans ce paysage, c'est l'anarchie qui sévit dans la circulation, notamment piétonne. En effet, bien que les piétons représentent un faible pourcentage dans les causes d'accidents, il n'en demeure pas moins qu'ils sont à l'origine de graves cafouillages et perturbations de la circulation à Oran. On parle aujourd'hui d'une clochardisation des espaces urbains, conséquence d'un laxisme et d'une absence manifestes, de l'autorité. «Nous avons eu à traiter des affaires graves où des automobilistes ont été blessés et malmenés par des piétons dans leur tort. En l'absence de loi claire, nous étions dans l'incapacité de traiter judicieusement ces cas. Aujourd'hui, avec ce nouveau code, tout est clair. Nous allons remettre de l'ordre dans la demeure», nous confie un officier de police chargé de la circulation. D'où, sans doute, les mesures extrêmes prises dans le sens d'une répression systématique des infractions et entorses à la loi. «J'en ai entendu parler. Sans plus. Je crois qu'il y a des amendes de 2 000 DA pour les piétons. A mon avis, avant de sanctionner qui que ce soit, il faut mettre les moyens en place, ensuite on demande des comptes aux gens. Regardez dans la ville, il n'y a pas de passages pour piétons, pas de feux tricolores opérationnels… tout cela compte», nous confie un piéton. Absence de campagne de sensibilisation des piétons Tout le monde s'accorde à dire que les nouvelles mesures doivent être précédées d'une large campagne de sensibilisation des personnes intéressées au premier degré, à savoir les piétons. En fait, la ville d'Oran ne dispose pas de moyens suffisants et convaincants pour mener à bien une telle campagne d'explication et de sensibilisation à même de toucher un large public. En attendant, on laisse les scouts musulmans algériens s'en charger dans les rues et autres axes de certaines communes de la wilaya. Les médias lourds, notamment la télévision et les radios locales, ont un rôle important à jouer dans ce sens. Le code de la route, dans sa nouvelle mouture, institue de nouvelles mesures coercitives à l'égard des piétons non respectueux des normes de sécurité. Les mesures prévues dans les nouvelles dispositions du code de la route prévoient des amendes aux piétons non respectueux des nouvelles dispositions. C'est le cas de ceux qui empruntent des voies non protégées, qui n'utilisent pas les passerelles ou encore les passages protégés. Ils sont passibles d'une amende forfaitaire d'un montant «minimum» de 2 000 DA qui peut être doublée en cas de non-règlement dans les dix jours qui suivent la verbalisation. Pour ce qui est des conducteurs peu soucieux des passages pour piétons et autres signalisations, ils sont passibles d'une amende forfaitaire variant de 2 000 à 4 000 DA, assortie d'une suspension du permis de conduire pour une durée de dix jours. Ce sera systématique pour toutes les contraventions. Passé le délai réglementaire, l'amende forfaitaire est majorée et le permis suspendu pour une durée de deux mois, note-t-on. S'il est vrai que les piétons sont entrés dans une spirale anarchique et meurtrière, causant de graves dysfonctionnements à la circulation, les conducteurs, quant à eux, sont à l'origine de gaves accidents de la circulation et à l'origine de décès et de blessés de plus en plus nombreux. D'où une criminalisation des délits liés aux infractions au code de la route. Les peines encourues par les chauffards pourront aller de 5 à 10 années de prison ferme pour les conducteurs de camions et de bus. Elles varieront de 2 à 5 années de prison ferme pour les conducteurs de véhicules de tourisme. Quant aux amendes, elles peuvent atteindre le million de dinars, l'équivalent de 10 000 euros environ. Pour le législateur, pareilles mesures sont à même d'endiguer le phénomène des accidents de la route. Mesures en extrême inadéquation avec les infrastructures routières existantes D'aucuns parmi les observateurs qualifient les nouvelles mesures d'extrêmes. Cela, eu égard à l'absence ou l'inadéquation des installations et de l'infrastructures routières existantes. C'est le cas à l'échelle de la wilaya d'Oran dont le réseau routier reste inexistant ou très détérioré dans sa majeure partie. L'absence de signalisations horizontales et verticales est également un aspect très important dans les dépassements et les infractions enregistrées. A Oran, la plupart des feux de signalisation sont en panne et hors d'usage durant toute l'année. Il y a également l'absence d'éclairage public dans une grande partie de la ville et sur son réseau routier. Pour ce qui est du permis à points, auquel les spécialistes accordent un grand intérêt, il ne sera pas instauré de sitôt, nous dit-on. Dans la nouvelle stratégie des pouvoirs publics de réguler le secteur et de juguler le phénomène des accidents de la circulation, les auto-écoles occupent une bonne place. Comme on dit, «mieux vaut prévenir que guérir». En effet, les auto-écoles sont appelées à jouer un rôle d'avant-garde dans cette nouvelle perspective de réguler le secteur. Désormais, ces structures sont appelées à dispenser un vrai enseignement aux candidats au permis de conduire. Les cours seront plus importants et plus consistants, sans compter les tests d'aptitude et les examens poussés et prolongés. Contrairement à ce que l'on pense, ce n'est pas le coût du permis qui a flambé jusqu'à 30 000 DA, mais plutôt l'apprentissage et l'enseignement de la conduite qui ont été prolongés pour permettre une maîtrise du code de la route. Reste à savoir quels seront les mécanismes de contrôle que l'autorité de régulation pense adéquats et judicieux pour éviter les dépassements, les passe-droits et les entorses en tout genre.