«Veuillez lire attentivement l'intégralité de cette notice avant de prendre ce médicament.» Ce sont les premières lignes de la notice, d'un médicament appelé Viagra. Nécessaire pour certains, frustrant pour d'autres, il réussira depuis son importation, il y a 3 ans, à gagner du terrain et à régler un certain nombre de problèmes conjugaux. Il n'y paraît pas, à première vue, mais beaucoup d'Algériens ont pu se permettre une seconde jeunesse. Son introduction sans fanfare dans le paysage médicinal algérien le confine dans une position plutôt marginale, avec un nombre d'utilisateurs assez réduit, mais qui existe. N'ayant pas bénéficié d'une publicité tapageuse, le Viagra fait son petit bonhomme de chemin, sans recourir au bouche à oreille, le sujet de l'impuissance sexuelle étant tabou dans notre pays. Un praticien déclare: «Si les effets du Viagra ne sont pas directement évoqués par les utilisateurs eux-mêmes, il n'est pas dit que les épouses n'en parlent pas à leurs amies, certaines le conseilleraient à leurs conjoints sexuellement défaillants.» D'ailleurs, l'intérêt de la gent féminine, même s'il n'est pas traduit de manière ouverte par les femmes elles-mêmes, est l'objet d'innombrables anecdotes où l'épouse joue un rôle actif. A titre illustratif : «Un jeune offre une pilule de Viagra à son vieux père. Le lendemain, le paternel lui demande d'en acheter d'autres avec en prime un gros pourboire généreusement offert à la maman.» A travers cette pointe d'humour, l'on peut saisir toute l'ouverture de la société algérienne qui reconnaît à la femme un droit qui ne lui est pas permis sous d'autres cieux. Passons sur l'aspect anecdotique pour nous intéresser au phénomène tel que vu par les pharmaciens de la capitale. Ces derniers évoquent une cadence assez régulière de la vente de ce médicament à raison de deux boîtes par semaine. Délivré uniquement sur prescription médicale, le Viagra peut, néanmoins, avoir des «effets indésirables» tels les maux de tête, vertiges, ...signalons aussi les quelques effets néfastes sur la vision qui peuvent surgir. En parlant des patients, un pharmacien à Bachedjarah affirme: «La clientèle est constituée uniquement d'hommes dont l'âge varie entre 50 et 65 ans. Les patients sont généralement fidèles à la même pharmacie. Ils se présentent à partir de 18h». Et d'ajouter: «Ils ne sont pas toujours à l'aise en présence d'autres clients ni devant le pharmacien d'ailleurs. En chuchotant, ils demandent le médicament et partent aussitôt.» Evidemment la réaction des clients diffère selon les endroits. A Alger-Centre et Hydra, les pharmaciens ne tiennent pas le même discours. Ils nous assurent que «les clients viennent et achètent le plus normalement du monde le médicament en question. Ils le demandent comme s'ils s'agissaient de comprimés pour les maux de tête». En ce qui concerne l'efficacité du produit, une jeune pharmacienne nous confie: «Si on part du principe que le médicament coûte cher, 2 075,15 DA, que la boîte ne contient que 4 comprimés, qu'il n'est pas remboursable, et que les clients généralement reviennent toujours, je dirai qu'il est efficace.» Depuis sa disponibilité sur le marché algérien, le Viagra se vend encore à «petites doses», mais son avenir chez nous n'est pas pour autant compromis. La preuve: malgré les réticences constatées au sein du troisième âge qui refuse d'en parler, la nouvelle génération ne développe aucun complexe vis-à-vis du médicament-miracle. A entendre un certain nombre de jeunes que nous avons approchés, l'utilisation du Viagra ne peut être que bénéfique pour le patient. «Il est tout à fait logique d'avoir recours à ce genre de médicament en cas de besoin, bien sûr», confie Malik. «C'est un médicament qui met fin au cauchemar des couples», réplique son ami, qui affirme son intention d'y recourir s'il venait à perdre sa virilité. Seulement, ces jeunes, comme beaucoup d'autres, n'évoquent le Viagra que sous l'angle de l'humour. De là à ce que le ton devienne sérieux, beaucoup d'eau aura coulé sous les ponts. En attendant que cette ouverture d'esprit déteigne sur la société algérienne au grand bonheur de Pfizer, il est permis d'interpeller les vieux couples sur l'importance du bonheur conjugal dans toute sa plénitude. La balle est manifestement dans le camp des hommes. Alors, messieurs, vivez pleinement et ne décevez pas vos compagnes!