Après le groupe chinois Citic, la société italienne Saipem Recording Algérie fait «fuir» son directeur. 72 heures après le gel de ses actifs bancaires, Saipem change de tête en Algérie. Dos au mur, la société italienne a remplacé M.Tullio Orsi, directeur de la filiale algérienne, par le chef de l'Unité de traitement et de stabilisation de brut de Hassi Messaoud. Ce «sacrifice» aurait été consenti pour permettre à M.Orsi d'échapper aux mains de la justice. Le groupe italien figure sur la liste noire des sociétés étrangères concernées par les enquêtes sur les marchés énergétiques douteux portant sur l'énergie et dont elles auraient bénéficié auprès de Sonatrach. Dans son édition du 9 février dernier, L'Expression avait révélé que la société italienne fait l'objet d'une enquête. Cette dernière porte sur des irrégularités entachant ses activités en Algérie. Saipem aurait transféré des fonds, qui s'élèvent à des milliards de dollars, à l'étranger. Le hic, c'est qu'elle l'aurait fait en foulant aux pieds la législation algérienne. Aussi, le groupe italien aurait remporté plusieurs marchés de manière illégale, soit de gré à gré ou suite à un appel d'offres. M.Orsi était en poste, il avait donc joué un rôle de premier ordre dans la signature de plusieurs contrats liés aux hydrocarbures. En 2008, Sonatrach et la filiale du groupe italien ENI avaient conclu un marché s'élevant à 6,5 milliards de dollars. Entre 2006 et 2009, le groupe italien a connu une période de vaches grasses. Et la vache à traire n'était autre que l'économie algérienne. Durant les trois dernières années, le chiffre d'affaires de Saipem en Algérie a prospéré: entre 15 et 20 milliards de dollars. De l'argent qui sent le scandale financier. Parmi les marchés soupçonnés par la justice, figure celui de la construction du gazoduc GK3. Le tribunal de Sidi M'hamed, Alger, s'intéresse de très près à ce projet. Sous la table coule un fleuve de pots-de-vin. Aussi, le dessous des cartes révèle des relations «intimes» avec de hauts responsables de la compagnie pétrolière algérienne. Dans cette partie de jeux de hasard «calculé»,M. Orsi tenait des atouts, apparemment, des atouts majeurs. Et voilà qu'il vient d'être invité à quitter la table. Témoin gênant? Elément encombrant? De toute façon, son remplacement ouvre la voie à plusieurs lectures. Sur le même registre intervient le limogeage du président-directeur général, en Algérie, du géant chinois Citic. Lui aussi semble avoir fait les frais des scandales émaillant les parties Ouest et Centre de l'autoroute Est-Ouest. Les fusibles sautent. Demeurent les affaires. Elles donnent l'impression que les marchés ont été conclus en toute transparence et dans le respect des règles du marché. De la poudre aux yeux. Par cette parade, les multinationales semblent avoir trouvé le moyen d'échapper à la justice. Cet état de fait met en évidence un malaise profond. L'arsenal juridique n'est pas suffisamment étoffé pour protéger l'économie nationale contre la férocité et l'avidité des sociétés étrangères. La libération du marché a tourné au bradage des richesses du pays. Il est vrai que la loi de finances complémentaire 2009, appuyée par la loi de finances en cours, est venu redresser la barre. Mais cela reste insuffisant. L'économie est malade. Et les scandales en cascade n'en sont que les symptômes visibles. Cela dit, les enquêtes ouvertes dans tous les secteurs semblent causer des insomnies à de hauts cadres de la Nation, voire des ministres en charge des secteurs hautement stratégiques. Le spectre des grandes affaires précédentes plane de nouveau. Derrière les rideaux, beaucoup de choses semblent se tramer. Et cela fait passer des nuits blanches à des cadres. Les esprits restent frappés par la campagne «Mains propres». Menée à la fin des années 1990, cette campagne s'était soldée par l'incarcération de plusieurs hauts fonctionnaires de l'Etat. A l'époque, des centaines de cadres ont fait les frais de scandales retentissants. Pourvu que les bons ne paient pas pour les mauvais cette fois-ci!