Obligatoire depuis sept ans, l'assurance des biens immobiliers ou autres contre les catastrophes ne suscite pas l'engouement chez les citoyens, en raison de la méfiance certaine vis-à-vis des compagnies d'assurance. La part de l'assurance contre les catastrophes naturelles (CAT-NAT) dans la structure globale du secteur des assurances en Algérie demeure insignifiante -à environ 2% du chiffre d'affaires global du secteur- en dépit du caractère obligatoire de cette branche depuis le séisme de Boumerdès (2003) et les campagnes de sensibilisation menées à la fois par les pouvoirs publics et par les assureurs.. Le chiffre d'affaires consolidé que devait réaliser cette branche en 2009 avoisine les 1,5 milliard de dinars sur un résultat total de 76 milliards DA, alors qu'en 2008, il s'établissait à 1,35 milliard DA sur un chiffre d'affaires global de 67,6 milliards DA, selon le Conseil national des assurances (CNA). L'obligation de souscrire à cette assurance a été instituée par une ordonnance du 26 août 2003, et ses textes d'application ont été publiés en 2004. Ainsi, une enquête réalisée par le CNA révèle que «moins de 20% des personnes ayant souscrit une assurance contre les effets des catastrophes naturelles ont volontairement souhaité se protéger», les autres parce que la loi les y oblige. Ajouté à une absence criarde d'une culture d'assurance, c'est là le signe indirect mais irréfutable d'une profonde désaffection du public à l'égard d'un produit censé pourtant prémunir les personnes et leurs biens les plus chers, notamment la maison, contre des risques pourtant très répandus en Algérie. Les spécialistes du secteur s'accordent, eux, à expliquer sa faible commercialisation par un manque d'information et de communication auprès des populations ciblées, rejoignant en cela les assujettis eux-mêmes, lesquels incriminent précisément le manque d'information mais aussi leurs propres difficultés financières et, plus préoccupant encore, le «manque de crédibilité» dont jouiraient, à leurs yeux, les différentes sociétés d'assurance lorsqu'il s'agit de prendre en charge leurs assurés, ce qui est en l'occurrence leur raison d'être. Le facteur religieux -certains produits d'assurance seraient proscrits par la loi islamique- n'est pas en reste, étant parfois cité par les personnes interrogées par l'APS.. «Je n'ai jamais souscrit à cette assurance et j'ignore même l'existence d'un tel produit», confie un client dans une agence d'assurance à Alger, venu réclamer le remboursement des frais de réparation de son véhicule, opération qui traîne, selon lui, depuis plusieurs mois. A la question de savoir s'il compte, malgré tout, souscrire à une assurance CAT-NAT, le même client, hésitant, dit attendre de voir «si ce n'est pas trop cher» pour se décider. «Je ne crois pas à cette assurance!» Un autre client venu pour une nouvelle police d'assurance automobile est plus catégorique: «Jamais je n'achèterai cette assurance. La charia interdit tous les produits conventionnels d'assurance, et si l'assurance automobile n'était pas strictement nécessaire pour la mise en circulation de mon véhicule, j'y aurais renoncé aussi», annonce-t-il, péremptoire. «Personnellement, je ne crois tout simplement pas à cette assurance (CAT-NAT)», a dit de son côté un commerçant qui venait d'acquérir une police d'assurance-voyage exigée par certains pays européens. Le manque de confiance envers les assureurs, dû surtout aux lenteurs des procédures d'indemnisation pour les autres branches, notamment l'automobile, a largement contribué à cette situation, pense pour sa part le directeur marketing d'une compagnie publique d'assurance, la SAA, et membre de l'Union algérienne d'assurance et de réassurance (UAR), M.Abdelmalek Benlaribi. La SAA, qui se taille la part du lion du marché dans cette branche (40 à 45%), a réalisé un chiffre d'affaires CAT-NAT de 403 millions DA en 2009 sur un bilan total de 18,6 milliards DA, soit une proportion de seulement 2%. Ce montant correspond à quelque 140.000 contrats CAT-NAT souscrits auprès de la société, a fait savoir M.Benlaribi précisant que ces souscriptions ont incluses des contrats individuels mais aussi des contrats collectifs avec des organes publics de promotion immobilière (Aadl, Opgi...) ainsi que quelques promoteurs privés qui souhaitent assurer leurs bâtisses. La même tendance pourrait être constatée au niveau des autres assureurs de la place, a-t-il fait remarquer à juste titre. Que faire? Pour la promotion de ce produit vital, cet assureur avance qu'il faudrait tout d'abord que les compagnies d'assurance «agissent collectivement pour reconquérir la confiance de leur clientèle, notamment à travers la réduction des délais d'indemnisation pour les autres branches comme celle de l'automobile» qui constitue, d'après lui, un «baromètre» de la qualité du service offert par ces compagnies. Faisant valoir la contribution des notaires, qui exigent une attestation d'assurance du bien immobilier pour la validation de toute transaction (vente, achat, location ou transfert de propriété), M.Benlaribi suggère que l'administration fiscale exige, à son tour, des commerçants et des entreprises qu'ils présentent une attestation d'assurance de leurs biens immobiliers au moment de la présentation de leurs bilans sociaux annuels. Ces actions devraient s'ajouter aux campagnes de communication menées par les professionnels à l'effet de sensibiliser la clientèle sur la nécessité de s'assurer contre les catastrophes naturelles, d'autant plus que le nord du pays se situe dans une région de forte sismicité, alors que le sud demeure exposé aux inondations. Dans cet objectif, plus de 331.000 messages courts (sms) ont été envoyés par l'UAR durant le seul mois de novembre 2009, à l'occasion du 8e anniversaire des inondations de Bab El Oued pour inviter les gens à assurer leurs biens immobiliers. De même, un programme à moyen terme est en cours de préparation par le CNA en concertation avec l'ensemble des acteurs pour définir les formes d'actions à entreprendre dans ce sens. Il s'agit, notamment d'évaluer le dispositif législatif d'assurance CAT-NAT, d'engager une réflexion sur les propositions de mise en oeuvre des différentes assurances obligatoires et de mettre en place un programme d'enquêtes et de sondages pour mieux identifier les freins au développement de cette branche. Ce qu'il faut savoir Disponible auprès de toutes les sociétés d'assurances agréées ainsi qu'au niveau de certains guichets bancaires dans le cadre de la bancassurance, l'assurance CAT-NAT inclut quatre sinistres (tremblements de terre, inondations et coulées de boue, tempêtes et vents violents, mouvements de terrain). S'agissant de la procédure de remboursement en cas de sinistre, le CNA explique, pour commencer, que cette procédure «ne peut être engagée qu'après la publication au Journal officiel du texte réglementaire déclarant l'état de catastrophe naturelle». Une fois l'état de catastrophe naturelle décrété, la procédure d'indemnisation se déroule en trois phases. La première comprend la déclaration à l'assureur qui désigne un expert pour l'évaluation des dommages. Ensuite, l'expert procède à l'évaluation des dommages avant de remettre son rapport à l'assureur, au plus tard 3 mois à compter de la date de publication du texte réglementaire déclarant l'état de catastrophe naturelle. Enfin, le client sera indemnisé par l'assureur dans les 3 mois qui suivent la remise du rapport d'expertise, soit au total six mois à compter de la date de publication de l'arrêté décrétant l'état de catastrophe naturelle. En cas de contestation des résultats de l'expertise, l'assuré peut exiger, dans un délai n'excédant pas 15 jours, une contre-expertise (à sa charge). Si le rapport de contre-expertise ne satisfait pas l'une ou l'autre des parties, un troisième expert sera désigné à l'amiable ou par voie judiciaire. Le montant de l'indemnisation est, quant à lui, calculé sur la base du coût des dommages matériels directs subis par les biens assurés, dans la limite de 80% des capitaux assurés pour les biens immobiliers à des fins d'habitation et 50% des capitaux assurés pour les installations industrielles ou commerciales. Les coûts des dommages seront cependant fixés selon l'évaluation de l'expert, après déduction de la vétusté et des valeurs résiduelles, d'après les textes d'application de l'ordonnance relative à cette assurance. Concernant le coût de la prime annuelle de cette assurance (ce que doit payer l'assuré tous les ans), elle varie entre 400 DA, dans le Sud, et 5000 DA, voire 1000 DA pour la zone Centre-Nord allant de Béjaïa à Chlef supposée être plus exposée à différentes calamités naturelles. Ces tarifs obéissent ainsi à un système de «zoning» qui prend en considération, notamment, le risque potentiel du sinistre (tremblement de terre, inondations...) ainsi que le prix de l'immobilier.