Les salaires des enseignants vont connaître, dès le mois prochain, une revalorisation conséquente. Il régnait hier, dans les établissements scolaires de la wilaya de Béjaïa une ambiance bon enfant. Et pour cause! Les salaires des enseignants vont connaître, dès le mois prochain, une revalorisation conséquente. L'annonce a été faite la veille par le ministre de l'Education nationale. La presse nationale s'est fait le relais avec des détails qui ont provoqué une nette satisfaction dans le corps enseignant même si certains ont préféré se montrer prudents. Chez les corps communs (ouvriers de cuisine, de nettoyage et d'entretien général) par contre, c'est la colère. Une colère manifestée spontanément hier. La grève prévue, à laquelle a appelé le CLA, n'a pas été suivie. Le mot d'ordre est devenu caduc. Le département de Benbouzid avait pris les devants en annonçant des mesures allant dans le sens de la régularisation d'une situation qui n'a que trop duré. Il était temp sachant les conséquences néfastes d'une éventuelle année blanche suite à tous ces mouvements de protestation devenus, par la force des choses, cycliques. La famille éducative était hier en partie satisfaite. Béjaïa, dimanche matin. En ce premier jour de semaine, les enseignants se rendent comme d'habitude, à leurs établissements pour prendre en charge leurs élèves. Chez les buralistes, la presse s'arrache. La couverture de l'Entv, la veille, n'a apparemment pas tout expliqué. Alors quoi de mieux qu'un journal pour en savoir plus en attendant les commentaires dans les établissements? Saïd s'apprête à rejoindre le bus qu'il ratera, pressé qu'il était de consulter son quotidien. Après une brève lecture, il relève la tête, consulte sa montre et pousse un soulagement. La bonne nouvelle est là. Il ne s'empêche pas d'apostropher une de ses collègues qui venait de le rejoindre. «Je pense que cette fois-ci c'est la bonne», dit-il. «Pourvu que ça soit vrai», rétorque sa collègue comme pour dire qu'à sa satisfaction se mêle le doute. Sur le chemin et aux alentours des établissements, les attroupements sont visibles de loin. Pour une fois, on ne parle pas de grève. La revalorisation des salaires était sur toutes les lèvres. Près d'un lycée de la ville, les enseignants débattaient de la nouvelle et cherchaient à en savoir plus. S'agit-il d'augmentations brutes? Vont-elles être réduites à la baisse? Combien allons-nous toucher en rappel? Quand tout cela sera-t-il appliqué? Autant de questions qui s'entremêlent, marquant à la fois la satisfaction mais également l'hésitation des enseignants. Dans ce groupe, un syndicaliste de l'Unpef: «Tout n'est pas acquis», déclare-t-il sur un ton loin d'être enthousiaste. Tous accourent vers lui «Pourquoi?» tonne une enseignante. Sûr de lui, le syndicaliste explique: «Si aujourd'hui les indemnités sont satisfaites, n'oublions pas que notre combat s'articule aussi sur les oeuvres sociales et les maladies professionnelles.» Il termine en rappelant la nécessité de rester mobilisés sans pour autant déclarer la suspension de la grève. «Le conseil national décidera», conclut-il. La sonnerie retentit. C'est l'heure de rejoindre les classes sans pour autant s'empêcher de poursuivre la discussion sur le sujet. La démarche n'était visiblement pas la même. Hier, on avait l'impression que les enseignants étaient animés de motivations supplémentaires pour faire leur travail. Le concierge de l'établissement, qui suivait de loin les commentaires, est resté sur sa faim. Personne, en effet, n'était en mesure de lui indiquer si le corps auquel il appartient est concerné par les mesures de Benbouzid. «C'est toujours comme ça», notait-il amèrement. Rejoint par ses camarades, le débat prend forme, glissant très rapidement sur la volonté de débrayage. Nous apprendrons par la suite que beaucoup d'employés du corps commun ont marqué leur mécontentement. Certains n'ont pas hésité à fustiger leurs structures syndicales. «Finalement, ils se valent tous. C'est Moussa Hadj, Hadj Moussa», ironise Mourad. Il avait quitté la Fnte pour l'Unpef pour vivre le même calvaire. C'est toute la problématique qui s'est toujours posée pour ce corps de l'éducation nationale. Ils font partie d'un système qui les a toujours ignorés. Hier, c'était encore la colère. Une énième si l'on se réfère au passé. «A chaque fois qu'il y a des augmentations conséquentes, nous, nous restons à la traîne», ajoute-t-il sur un air véritablement désabusé. Le flou était encore hier persistant. Même si la presse a rapporté jusque dans le détail comment cette régularisation se traduira sur le terrain, il reste que beaucoup émettent des doutes. Le morceau était trop gros pour y croire...Si pour Kamel, enseignant d'anglais, «ce sont des augmentations mensuelles nettes pour tous les corps», il n'en est pas de même pour son collègue Larbi qui dit «attendre les circulaires d'application». «Ce n'est qu'à ce moment-là que je saurai réellement de combien j'ai été augmenté». La position de Larbi est respectable. Il ne parle pas sans raison, lui qui a une longue expérience dans le secteur. «Il est arrivé qu'on fasse des estimations pour finir avec une déception qui nous empêche même de savourer le peu accordé», soutient-il rappelant que «lors de la dernière augmentation, nous avions tablé sur 15.000 dinars, nous n'avions eu que la moitié» Qu'à cela ne tienne! Sur la base d'une ancienneté moyenne d'un enseignant classé à l'échelon 6, qui touchera son prochain salaire avec une revalorisation de l'ordre de 9533 dinars, les enseignants s'adonnent aux calculs. Des calculs que confirmeront ou infirmeront la prochaine circulaire d'application annoncée pour les tout prochains jours. L'espoir est de mise chez les enseignants. Ce fonctionnaire dont le pouvoir d'achat a beaucoup baissé, respire de nouveau même si dans sa profession beaucoup reste à faire. «Le salaire n'est pas l'unique problème de l'enseignant», estime Malek, «les pouvoirs publics doivent s'intéresser beaucoup plus à ce corps qui forme des générations futures». La retraite, les maladies professionnelles, autant de revendications qui demeurent en suspens. C'est pourquoi hier, la satisfaction née des augmentations indemnitaires a été écornée par l'absence de réponse à ces préoccupations aussi importantes.