La Fondation Casbah tire la sonnette d'alarme pour la énième fois, quant à la nécessité de sauvegarder la vieille médina d'Alger. Des années après avoir lancé des plans de réhabilitation et débloqué des budgets faramineux pour la restauration, la vieille médina d'Alger menace toujours ruine. C'est là le constat amer qu'a tenu à faire, hier, la fondation Casbah, lors d'une table ronde au Forum d'El Moudjahid. Alors qu'ils se battent pendant plus de dix ans pour protéger ce patrimoine mondial, les responsables et membres de cette association se retrouvent, chaque année, à émettre les mêmes observations: rien n'a changé, de nombreux obstacles demeurent quant aux travaux de restauration et les bâtisses de la Casbah pourraient s'effriter à tout moment. Pour certains intervenants, les pouvoirs publics et bien évidemment le ministère de la Culture sont seuls responsables de l'état de délabrement de cette cité, dont les pierres sont chargées d'histoire: «On est en train de déchirer des pages entières de l'histoire de notre pays», tonnera M.Mebtouche, l'ancien président de la fondation Casbah. Et de poursuivre: «La responsabilité de la destruction de la Casbah incombe aux autorités...Ce n'est pas normal, on dépense des milliards et la Casbah n'est toujours pas restaurée, c'est l'argent du contribuable quand même.» Ce Casbadji, qui milite depuis très longtemps pour la sauvegarde de ce patrimoine universel, n'a pas lésiné sur les mots en parlant de l'état actuel de cette cité, déjà vieille de plusieurs siècles. «On organise des festivals à coups de milliards: le Festival panafricain par exemple, le Festival du jazz à Oran, ou un événement comme celui de "Tlemcen, capitale de la culture musulmane", je trouve que c'est bien, mais il y a des priorités, et la restauration de la Casbah en fait justement partie...», fera-t-il observer. Ce dernier nous dressera d'ailleurs, tout au long de son intervention, un tableau très peu reluisant de la situation de la Casbah: l'état précaire des ruelles et de nombreuses bâtisses qui constituent une grande menace, guettant des centaines de familles. Il évoquera également la question relative à l'aspect architectural de la médina menacé par des travaux de restauration inadéquats voire inappropriés. «La restauration est un art, il faut une réhabilitation matérielle, mais aussi morale, si la reconstitution ne se fait pas à l'authentique, ça ne sert à rien», tiendra-t-il à préciser. M.Mebtouche mettra l'accent, par la même occasion, sur la mauvaise gestion de ce patrimoine: «A chaque fois qu'il y a une bâtisse qui tombe, l'espace se transforme en placette», s'indigne-t-il. De nombreux textes de lois existent pour protéger le patrimoine en Algérie, cependant, ce sont les décrets exécutifs qui font toujours défaut. «Un arsenal juridique pour la protection du patrimoine existe, mais encore faut-il les appliquer...», fera-t-il remarquer avant de pointer du doigt... Même si les Casbadjis semblent ne plus croire à la restauration complète de la Casbah, les membres de la fondation Casbah ont adapté une résolution à l'occasion du 23 février, appelant toutes les associations représentatives de cette vieille cité à s'unifier dans le but de sauver leur patrimoine d'une destruction imminente et dans l'hypothétique espoir de voir les autorités publics réagir «concrètement».