Des décisions incroyables ont été prises quand La Marseillaise a été sifflée en octobre 2008. La liste des points de friction entre Alger et Paris étant déjà suffisamment longue, le Quai d'Orsay n'a pas trouvé mieux que d'en rajouter une couche. Avec cette affaire de l'affiche diffusée par le Front national, à l'occasion de la campagne des élections régionales, représentant la carte de France recouverte du drapeau algérien percé de minarets en forme de missiles et proclamant «non à l'islamisme», les relations entre les deux pays ne feront que se dégrader. A la protestation du ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, soutenant que «c'est à l'Etat français de prendre les dispositions qui s'imposent lorsque des symboles de pays étrangers sont mis à genoux», le porte-parole du Quai d'Orsay, Bernard Valero, a rétorqué avec une incroyable légèreté affirmant en substance: «Il ne nous appartient évidemment pas de commenter une décision de justice.» Pourtant, le même responsable a déploré l'utilisation du drapeau algérien dans une affiche du parti de l'extrême droite, le Front national, aux élections régionales en France. «Nous déplorons avec force l'usage indigne et dégradant d'un drapeau national a des fins électoralistes», a déclaré hier, M.Valero lors d'un point-presse. Pour sa part, le ministre français des Affaires étrangères a estimé que le drapeau algérien a été utilisé de manière «extrêmement choquante». Sans plus. Et c'est avec la même légèreté que le porte-parole du Quai d'Orsay ajoute comme pour calmer l'ire d'Alger: «Les autorités algériennes ont fait part hier de leurs protestations légitimes quant à l'usage extrêmement choquant qui est fait du drapeau algérien.» L'affiche du parti de Jean-Marie Le Pen représente une femme intégralement voilée à côté d'une carte de France recouverte du drapeau algérien sur laquelle se dressent des minarets en forme de missiles, avec en titre «non à l'islamisme». Alger avait protesté lundi auprès de la France. Deux autres organisations, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap) et SOS Racisme, ont également introduit des actions judiciaires contre cette campagne d'affichage. La campagne du FN, dont le discours nostalgique sur l'Algérie française a toujours été un thème mobilisateur pour ses partisans, survient alors que les relations sont délicates entre Paris et Alger autour de plusieurs contentieux La justice a été saisie par la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) pour réclamer l'arrêt de cette campagne d'affichage. Elle a été déboutée par le tribunal de grande instance de Marseille. Il faut imaginer un instant si c'était le drapeau français qui subissait le même sort. On se rappelle du tollé soulevé en 2008, quand La Marseillaise avait été sifflée à l'occasion du match France-Tunisie. Des décisions incroyables ont été prises et des commentaires invraisemblables ont suivi. Les vidéos de surveillance du Stade de France ont été visionnées par les enquêteurs. Le parquet de Bobigny a ouvert une enquête préliminaire au lendemain des sifflets, la Brigade de répression de la délinquance a été saisie pour «outrage à l'hymne national» et les interpellations qui en résulteront déboucheront sur des interdictions administratives de stade. Les matchs allaient être arrêtés, les stades vidés, les tribunes karchérisées. Bref, c'était l'horreur car on a touché à un symbole et la France est un pays qui protège ses symboles pour se protéger.