Le Quai d'Orsay, souvent prompt à réagir à des situations moins encombrantes, n'a pas jugé opportun, pour l'heure, de s'étaler sur la question. Quarante-huit heures après la sortie, pour le moins “intempestive”, du chef de la diplomatie algérienne, Paris a réagi hier tard dans la soirée et… du bout des lèvres. Le porte-parole Eric Chevallier, a estimé en effet que le “pouvoir exécutif n'a pas de prise sur la procédure judiciaire”. “Nous comprenons l'importance de ce sujet mais il s'agit d'une procédure judiciaire sur laquelle le pouvoir exécutif n'a pas de prise”, a-t-il précisé lors d'un point de presse. Le Quai d'Orsay, souvent prompt à réagir à des situations moins encombrantes, n'a, semble-t-il, pas jugé opportun pour l'heure de s'étaler sur ce qui s'apparente à “une salve de sommation”. Mourad Medelci, de coutume si effacé, a troqué mercredi la rhétorique diplomatique, souvent en usage en pareille circonstance, contre un langage musclé pour qualifier le diplomate algérien, Mohamed Ziane Hasseni, présumé complice de l'assassinat de Me Ali Mecili, ancien bras droit de Hocine Aït Ahmed et fondateur du journal Libre Algérie, d'“otage” aux mains des autorités françaises. “La France, a-t-il dit, est en train de retenir en otage un des meilleurs diplomates algériens depuis 4 mois, sous prétexte qu'il est ce qu'il n'est pas, c'est-à-dire il y a une confusion de personnes.” On ignore si le ministre des Affaires étrangères, dont on sait qu'il tient ses ordres d'El- Mouradia, a agi sous l'effet de la nervosité. Mais le recours à l'usage du vocable “otage” traduit un certain embarras de se retrouver avec cette affaire sur les bras, à la veille d'un important rendez-vous électoral. Une affaire qui ne manquera pas de peser encore pour longtemps dans les rapports, déjà difficiles, entre Alger et Paris. Dans la langue de Molière, un “otage” est une personne innocente, retenue prisonnière et dont la libération dépend d'une exigence à remplir par une tierce personne. Dans le cas présent, c'est l'Etat algérien qui serait sommé donc de satisfaire à une exigence. Dès lors, l'on s'interroge, si tel est l'insinuation sous-jacente du ministre algérien sur la nature de l'exigence de Paris. Que peut donc bien exiger la France d'Alger dans la conjoncture actuelle ? La contraindre à l'achat des armes françaises notamment les Rafales qui ont du mal à trouver preneur ? Infléchir la position algérienne sur le Sahara occidental pour satisfaire le roi, grand ami de la France ? Rétablir son influence, de plus en plus disputée par les américains, même si, aux yeux de beaucoup, il n'y a aucune rivalité entre Paris et Washington à propos de l'Afrique du Nord ? Avoir de substantiels parts du marché pour les entreprises françaises ? Au-delà de ces questionnements, l'approche du ministre algérien suppose une confusion des rôles entre l'Etat français et sa justice, une accusation que vient de démentir Paris. En 2005, lorsque le président Bouteflika avait comparé les “fours à chaux de Guelma aux fours crématoires nazis”, quelques mois après le vote en France de la loi du 23 février glorifiant son passé colonial, il y eut une levée de boucliers à Paris. Le porte-parole du Quai d'Orsay avait alors “demandé un respect mutuel”. Une réaction prompte et unanime de condamnation de la classe politique française a accompagné également les propos du ministre algérien des Moudjahiddine qui avait évoqué les origines du président Sarkozy à la veille de sa visite en Algérie en décembre 2007. Mais cette fois, Paris a choisi la prudence. En proie à un vrai embarras ou alors instruit des “sautes d'humeur” d'Alger, Paris semble privilégier la prudence pour ne pas alimenter la polémique entre deux pays qui ont une longue histoire en partage et qui, souvent, entretiennent des relations passionnelles et passionnées. Karim Kebir