Sur les 40% des enfants d'émigrés âgés de 18 à 50 ans, recensés en 2008, soit 1,3 million de personnes, 20% ont au moins un père ou une mère originaire d'Algérie. Un Français de dix-huit ans sur cinq a un parent émigré, selon une enquête publiée mardi par l'Insee, l'Institut national de la statistique et des études économiques. La France change de façon irréversible de peau et de couleur. Les statistiques sont incontestables. Elles ne sont que le reflet d'une France dont les flux migratoires imposés par des conditions économiques et historiques ont contribué à remodeler sa composante humaine et sociologique. C'est au début des années 1900 que furent recensés les premiers contingents de l'émigration algérienne, une main-d'oeuvre en provenance essentiellement de Kabylie, qui sera employée dans les mines, les travaux publics, dans les usines au poste de manoeuvre et sur les chantiers. En particulier dans le bâtiment. L'histoire contribuera à amplifier ce flux migratoire. Notamment avec la Première Guerre mondiale. Près de 200.000 soldats seront mobilisés pour combattre au sein de l'armée française alors que l'économie de l'Hexagone sera renforcée par près de 100.000 travailleurs algériens. Le bilan sera dramatique et très lourd à la fin de ce premier conflit mondial. Selon certains chiffres quelque 40.000 combattants d'origine algérienne y ont laissé la vie alors que l'on a compté près de 100.000 blessés. Pour faire face à sa reconstruction, la France fait appel, entre les années 1920 et 1930, à une main-d'oeuvre algérienne dont le nombre est estimé à 250.000 travailleurs. Ce mouvement des populations se poursuivra après la fin de ce que l'on a appelé la «drôle de guerre». La Seconde Guerre mondiale, qui a eu lieu entre 1939-1945, a vu aussi la mobilisation de contingents de soldats marocains, tunisiens et africains. Des hommes jeunes, à peine sortis de l'adolescence pour bon nombre d'entre eux, qui ont servi de chair à canon et qui ont joué un rôle de premier plan pour la libération de la France. Et c'est à travers cette histoire dramatique et injuste, qui a lié l'empire colonial français aux populations de ses anciens territoires, qu'a pris forme la société d'aujourd'hui. Le métissage de l'Hexagone est toujours en marche. Dans la tranche d'âge des 15-18 ans, l'enquête de l'Insee fait apparaître que 41% des enfants nés en France sont des descendants d'Africains. 13% sont des enfants d'immigrés algériens, 20% de marocains et de tunisiens alors que 8% proviennent d'Afrique noire. Près de 40% des enfants d'émigrés âgés entre 18 et 50 ans, soit 1,3 million de personnes, ont au moins un père ou une mère originaire d'Algérie (20%),15% du Maroc et de Tunisie, et 4% d'Afrique subsaharienne. Ils représentent plus de la moitié des moins de 30 ans. 12% de la population française entre 18 et 50 ans sont des enfants d'émigrés. Soit 3,1 millions dont la moitié est issue de parents d'origine européenne. Cette étude montre par ailleurs que les deux parents de 50% des enfants d'émigrés sont d'origine étrangère. L'enquête fait ressortir d'autre part que les discriminations sont moins fortes lorsque les enfants sont issus de couples mixtes. 16,6% seulement s'en sont plaints contre un peu plus de 30% pour ceux dont les deux parents sont des immigrés. Les chiffres livrés par l'Institut français de la statistique et des études économiques devraient servir à recadrer le débat controversé sur l'identité nationale en France, initié par le non moins controversé ministre de l'Immigration, l'ex-socialiste Eric Besson. Un débat qui a été émaillé de dérapages verbaux à connotation raciste. Il a permis, en outre, lors de la campagne électorale des régionales, le retour en force des thèses xénophobes du Front national de Jean-Marie Le Pen et la résurgence de l'extrême droite française.