L'ancien chef de l'Aiea, prix Nobel de la Paix 2005, entend visiblement répondre à ses détracteurs qui l'accusent d'être devenu étranger à son propre pays. Visites de mosquées, rencontres avec des chrétiens, séances photo avec des célébrités: l'ex-patron de l'Aiea Mohamed El Baradei, devenu l'opposant le plus en vue d'Egypte, se lance dans une campagne de terrain pour plaider en faveur de réformes politiques. L'ancien diplomate, âgé de 67 ans, veut ainsi entamer dans les prochains jours une tournée en province, en commençant par Mansourah, une grosse localité du delta du Nil représentative de l'Egypte profonde, a indiqué son entourage. Après la prière du vendredi dernier dans la grande mosquée al-Hussein, suivie d'une promenade au milieu de badauds enthousiastes dans le vieux Caire islamique, il envisage de visiter une église copte pour les fêtes de Pâques. Les images d'une récente rencontre avec une dizaine d'acteurs populaires et de cinéastes en vue ont été reprises dans la presse indépendante et d'opposition. «Nous tentons de parvenir à un consensus pour le changement. Nous parlerons à tout le monde, avocats, médecins, étudiants, agriculteurs, vieux, jeunes», déclare George Ishaq, un porte-parole de «l'Assemblée nationale pour le changement», formée par M.El Baradei et une trentaine de figures de l'opposition. L'association réclame des élections libres et sans fraudes ainsi que des amendements à la Constitution, afin de lever les restrictions pesant sur les candidats à la présidentielle. L'ancien chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (Aiea), prix Nobel de la Paix 2005, entend visiblement répondre à ses détracteurs qui l'accusent d'être devenu étranger à son propre pays, plus à l'aise dans les couloirs de l'ONU que dans la rue égyptienne. «Il essaye de faire du lobbying et de mettre une pression politique sur le régime par le biais du soutien populaire», affirme Amr Choubaki, du Centre Al-Ahram d'études politiques. M.El Baradei est rentré en février de Vienne où il a habité pendant 12 ans, pour être accueilli en héros par ses partisans à l'aéroport. Sa campagne a rapidement démarré sur le réseau social Facebook, avec un groupe fort de plusieurs dizaines de milliers de personnes, et avec la multiplication d'entretiens à la presse. Mais M.El Baradei, qui s'est dit prêt à se présenter à la présidentielle de 2011 à la condition que la Constitution soit amendée, fait face à des obstacles très réels. Le président Hosni Moubarak, au pouvoir depuis 1981, n'a pas dit s'il comptait se présenter à un cinquième mandat. A presque 82 ans, le chef de l'Etat vient de subir une intervention chirurgicale qui a relancé les spéculations sur son maintien au pouvoir. «Si M.El Baradei décide de se présenter conformément à la Constitution, il est le bienvenu. La seule chose à faire c'est rejoindre un parti politique», dit Ali el-Dine Hilal, ancien ministre et membre du Parti national démocratique (PND, au pouvoir). Mais M.El Baradei rejette cette option, citant notamment le manque de neutralité de la commission nationale des partis, actuellement présidée par le secrétaire général du PND Safouat al-Chérif. M.Hilal concède que s'il décide de se présenter, «il rendra sans aucun doute la course présidentielle plus vivante et compétitive». Mais en attendant, «il n'a toujours pas dit s'il se présenterait, et n'a pas présenté de programme», relève-t-il. S'il souhaite se lancer dans la course comme indépendant, M.El Baradei aura besoin du soutien d'au moins 250 élus, dont au moins 65 membres de l'Assemblée nationale, 25 du Conseil consultatif (Sénat) et au moins dix élus municipaux, un objectif difficile à atteindre. «Il fait face à des défis pratiques, mais il en émerge comme une force morale», estime toutefois M.Choubaki.