Ce qui était redouté par le clan des Moubarak, à savoir l'entrée de l'ancien patron de l'Agence internationale de l'énergie atomique, Mohamed El-Baradeï, dans le camp de l'opposition, s'est confirmé avec la décision de ce dernier d'entamer une tournée à travers l'Egypte pour plaider en faveur de réformes politiques. Tout semble indiquer que Mohamed El-Baradeï est déterminé à s'imposer dans le paysage politique égyptien comme un opposant au régime de Hosni Moubarak. En plus de ses visites dans plusieurs mosquées ainsi que des rencontres avec les chrétiens d'Egypte et de nombreuses célébrités locales, l'ex-directeur de l'AIEA a décidé de lancer prochainement une série de déplacements dans les provinces du pays en vue de plaider pour des réformes politiques, qu'il juge plus nécessaires que jamais. Selon son entourage, El-Baradeï devrait entamer sa tournée par Mansourah, une grande localité du delta du Nil représentative de l'Egypte profonde. Vendredi dernier, il a accompli la prière de la mi-journée dans la grande mosquée Al-Hussein, avant de faire une promenade au milieu de badauds enthousiastes dans le vieux Caire islamique. Pour les fêtes de Pâques, il envisage de visiter une église copte. La presse indépendante et de l'opposition se fait l'écho de l'activité de Mohamed El-Baradeï en publiant les images d'une récente rencontre avec une dizaine d'acteurs populaires et de cinéastes. Il a préparé le terrain pour parvenir à ses fins, à travers “l'Assemblée nationale pour le changement”, qu'il a formée avec une trentaine de figures de l'opposition. George Ishaq, un porte-parole de cette association, déclare : “Nous tentons de parvenir à un consensus pour le changement. Nous parlerons à tout le monde, avocats, médecins, étudiants, agriculteurs, vieux, jeunes.” Ceci étant, l'association réclame des élections libres et sans fraudes ainsi que des amendements à la Constitution, afin de lever les restrictions pesant sur les candidats à la présidentielle. L'objectif premier de Mohamed El-Baradeï est d'effacer l'image que le régime en place tente de présenter au peuple, celle d'un étranger à son propre pays, en montrant qu'il aussi à l'aise dans les couloirs de l'ONU que dans la rue égyptienne. Pour Amr Choubaki, du Centre Al-Ahram d'études politiques : “Il essaye de faire du lobbying et de mettre une pression politique sur le régime par le biais du soutien populaire.” Pour rappel, El-Baradeï est rentré en février de Vienne où il a habité pendant 12 ans, pour être accueilli en héros par ses partisans à l'aéroport. Sa campagne a rapidement démarré sur le réseau social Facebook, avec un groupe fort de plusieurs dizaines de milliers de personnes, et avec la multiplication d'entretiens à la presse. Toutefois, le prix Nobel de la paix 2005, qui s'est dit prêt à se présenter à la présidentielle de 2011 à la condition que la Constitution soit amendée, fait face à des obstacles très réels. Quant au président Hosni Moubarak, au pouvoir depuis 1981, il n'a pas dit s'il comptait se présenter à un cinquième mandat. À presque 82 ans, le chef de l'Etat vient de subir une intervention chirurgicale qui a relancé les spéculations sur son maintien au pouvoir. Par ailleurs, Ali El-Dine Hilal, ancien ministre et membre du Parti national démocratique (PND), a déclaré que “si M. El-Baradeï décide de se présenter conformément à la Constitution, il est le bienvenu. La seule chose à faire, c'est rejoindre un parti politique”. Cette option a été rejetée par El-Baradeï, en arguant notamment du manque de neutralité de la commission nationale des partis, actuellement présidée par le secrétaire général du PND Safouat Al-Cherif. Il y a lieu de signaler que s'il souhaite se lancer dans la course comme indépendant, l'ancien patron de l'AIEA aura besoin du soutien d'au moins 250 élus, dont au moins 65 membres de l'Assemblée nationale, 25 du Conseil consultatif (Sénat) et au moins dix élus municipaux, des conditions difficiles à réaliser.