Parmi la cinquantaine de chrétiens expulsés figurent 40 Américains. Le Maroc est-il en train de récolter les fruits de ce qu'il a semé? Après les attentats qui ont ciblé les tours jumelles de Manhattan à New York le 11 septembre 2001, «le pouvoir marocain aurait fermé les yeux sur la présence de missionnaires évangélistes américains en échange d'un soutien de Washington sur le dossier du Sahara occidental», rapporte le journal français Libération. Le média de la presse écrite française ajoute que, selon une source proche du Palais royal, des personnalités évangéliques américaines auraient été conviées par le Maroc dans le but de «changer de position sur le Polisario, pour parler de l'Islam et construire un dialogue interreligieux». Ce déploiement d'hommes religieux chrétiens à travers le Royaume est vu d'un très mauvais oeil par les islamistes. Et c'est sans aucun doute ce qui a provoqué cette réaction «énergique» de la part des autorités marocaines pour mettre en veilleuse et brider des revendications sociales qui auraient pour origine des prétextes d'ordre religieux. Le Maroc a-t-il joué avec le feu? A défaut, il a fait réagir l'ambassadeur des Etats-Unis à Rabat. «Nous sommes découragés et peinés d'apprendre la récente expulsion par le gouvernement marocain d'un certain nombre d'étrangers, dont de nombreux américains qui résidaient légalement au Maroc», a déclaré Samuel Kaplan. Le gouvernement marocain fait part de 27 expulsions tandis que des chiffres non officiels, mais qui semblent sûrs en avancent une cinquantaine où figureraient 40 Américains, 7 Néerlandais, et nombreuses autres nationalités (des Anglais, des Néo-Zélandais, des Coréens...). Ces expulsions expéditives ne sont pas niées par Rabat. Le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement en a cité 27. 16 à Aïn Leuh dans le Moyen Atlas et 11 à travers l'ensemble du territoire. «La procédure juridique a été écartée, car nous voulions que cela se fasse de la façon la plus "soft" possible. Un procès aurait immanquablement débouché sur des emprisonnements» a souligné Khalid Naciri pour justifier cette méthode musclée. Au risque de mettre à mal l'image de marque du Royaume. Le Maroc, qui s'est forgé à travers les siècles une solide réputation de terre d'accueil et de tolérance, est-il en train de remettre en cause cette renommée? En effet, plus d'une trentaine de religieux chrétiens, américains, européens, coréens...ont quitté manu militari le territoire marocain ces toutes dernières semaines. Ils sont tous accusés de faire du prosélytisme. Les 16 missionnaires évangéliques qui ont été expulsés le 8 mars 2010 étaient soupçonnés d'ébranler la foi des «musulmans». Priés de plier bagage et de quitter sur le champ la structure de Aïn Leuh implantée dans l'Atlas marocain, non loin d'Ifrane, ils encadraient des enfants défavorisés et de jeunes orphelins. Ce centre fonctionnait de manière tout à fait légale. Quelle mouche a donc piqué les autorités marocaines pour «décapiter» l'administration de cet orphelinat? C'est «pour une raison ignorée, que les autorités marocaines, encouragées par les discours outranciers de l'imam local, ont décidé, le 8 mars, qu'il ne respectait pas la kafala (procédure d'adoption)», a expliqué dans son édition du 5 avril, le quotidien français Le Monde. Le pouvoir marocain, qui veut faire la part belle à un Islam modéré, se justifie. Il aurait procédé à la fermeture de nombreuses écoles coraniques. «Nous avons été très sévères...contre les Chiites. Il y a moins d'un an, nous avons fermé l'école irakienne de Rabat. Les pouvoirs publics ont le devoir de rester en phase avec leur opinion publique. Nous ne pouvons pas nous permettre de jouer avec le feu», a tenu a préciser Khalid Naciri, le porte-parole du gouvernement marocain. Une méthode peu orthodoxe pour contenir l'islamisme rampant au Maroc au risque de fâcher ses traditionnels amis et soutiens.