La Fondation Carter, l'Union européenne, l'Union africaine, la Ligue arabe et le Japon doivent envoyer des observateurs afin de vérifier si le processus électoral est libre et juste. Les observateurs européens pour les élections au Soudan envisagent de se retirer de la région du Darfour, affirme leur chef qui juge contraire à «l'hospitalité traditionnelle du monde arabe» les menaces musclées d'expulsion formulées par le président Omar El Bechir. «Si j'estime que les conditions de sécurité non seulement pour mes observateurs mais aussi pour les habitants du Darfour ne sont pas remplies. Si je n'ai pas l'assurance que ces élections permettent une observation crédible, je ne les observerai pas, en tout cas pas de manière classique», a assuré à Véronique De Keyser, chef de la Mission d'observation de l'Union européenne au Soudan. Plus vaste pays d'Afrique, le Soudan doit tenir de dimanche à mardi ses premières élections -législatives, régionales et présidentielle- depuis près d'un quart de siècle. La Fondation américaine Carter, l'Union européenne, l'Union africaine, la Ligue arabe et le Japon doivent tous -ou ont déjà- envoyé des observateurs afin de vérifier si le processus électoral se déroule de manière libre et juste. La mission de l'UE est la plus importante avec 130 observateurs. Des partis d'opposition soudanais ont accusé le président Bechir de se préparer à bourrer les urnes pour s'assurer une victoire haut la main lors de ce scrutin. Selon International Crisis Group (ICG), le pouvoir soudanais s'est servi du prétexte de l'état d'urgence au Darfour -région de l'ouest du pays en proie à la guerre civile- pour y truquer le scrutin. L'insécurité endémique au Darfour permet difficilement aux candidats d'y mener leur campagne. Et l'accès limité, voire impossible, à certaines zones de cette région complique le travail des observateurs. «J'ai peur que d'aller observer, avec quelques personnes sur le terrain, une situation dans ces conditions -avec certaines parties du Darfour en guerre- ne permette pas une crédibilité suffisante des observations», a souligné Mme De Keyser, de nationalité belge. La chef de la mission d'observation de l'UE au Soudan devait se rendre hier à el-Facher, la capitale historique du Darfour, et visiter des camps de personnes déplacées par la guerre civile, à l'origine depuis 2003 de 300.000 morts selon les estimations de l'ONU, 10.000 d'après Khartoum. Méfiants à l'égard du gouvernement, les déplacés du Darfour ne se sont pas inscrits en grand nombre sur les listes électorales et ne pourront donc pas voter lors des élections, dont la crédibilité est déjà en cause en raison du boycottage partiel ou total de partis d'opposition. Sous pression, le président Omar El Bechir a multiplié récemment les menaces d'expulsion contre les observateurs électoraux internationaux. «Quiconque demande un report des élections ou intervient dans nos affaires ne restera pas plus de 24 heures dans le pays (...). Quiconque tente de nous insulter, nous lui couperons la langue», a-t-il dit cette semaine dans un discours public. Il s'agissait de la deuxième déclaration menaçante à l'égard des observateurs étrangers. «J'ai été très surprise et même blessée par les propos du président Bechir parce que, jusqu'à ce jour, je pensais que nous étions les bienvenus, parce que nous avons été invités par les autorité soudanaises», a regretté Mme de Keyser. «Cela ne correspond pas aux standards internationaux avec lesquels on accueille habituellement des observateurs. Et puis, pour moi, qui ai l'habitude du monde arabe, qui ai été chef de le mission d'observation en Palestine, cela ne correspond pas du tout à l'hospitalité traditionnelle du monde arabe ni même celle avec laquelle nous avons été accueillie jusqu'à ce jour au Soudan», a-t-elle noté.