Inondations d'Ain Temouchent : M. Goudjil présente ses condoléances aux familles des militaires martyrs du devoir national    Dessalement de l'eau de mer: entrée en phase de débit expérimental de la station Tighremt à Bejaia    Foot/ Ligue 1 Mobilis (17e J) : le MCA bat le PAC (3-1) et s'envole en tête    Conseil des ministres : le président de la République souligne l'importance de la rationalisation de la consommation d'énergie    Ballalou réaffirme l'intérêt de l'Etat pour la Casbah d'Alger en tant que monument culturel, touristique et social    Judo / Open Africain d'Alger : la sélection algérienne termine en beauté    Khenchela : manœuvre de la Protection civile simulant l'extinction d'un incendie dans la forêt de Hammam Salihine    Vers le renforcement du rôle du RCREEE dans la politique énergétique arabe    Création de l'UGTA: un succès dans la mobilisation des travailleurs pour soutenir la Révolution et contrer les plans du colonialisme    Rentrée de la formation professionnelle: nouvelles spécialités et signature de conventions dans le Sud du pays    Le président de la République préside une réunion du Conseil des ministres    ETUSA: ouverture d'une nouvelle ligne Meftah-Tafourah    7e Conférence du PA et des présidents des Assemblées et Parlements arabes: refus total de toute forme de déplacement du peuple palestinien    Ghaza: le bilan de l'agression sioniste s'alourdit à 48.339 martyrs et 111.753 blessés    Publication au JO du décret exécutif portant revalorisation du montant des pensions des moudjahidines et ayants droit    Agrément à la nomination du nouvel ambassadeur d'Algérie en République de Corée    Cisjordanie occupée: l'agression sioniste contre la ville de Jénine et son camp se poursuit pour le 34e jour consécutif    Loin de ses potentialités, l'Afrique doit améliorer sa gouvernance    Le Pnud appelle à des investissements à long terme    La CIJ permet à l'UA de prendre part à une procédure consultative concernant les obligations de l'entité sioniste    «Solidarité Ramadhan 2025» Oum El-Bouaghi Plus de 53 milliards de centimes pour les nécessiteux    Centres de formation au profit des citoyens concernés    Arrestation d'un individu diffusant des rumeurs appelant au boycott des dattes algériennes    Soudan : Situation catastrophique dans le Darfour du Nord    Sous-traitance, pièce de rechange & ateliers de proximité    Le ministre de l'Intérieur installe Kamel Berkane en tant que nouveau wali    Sioniste et terroriste de l'OAS n'a pas sa place en Algérie !    Le jour où la bravoure des moudjahidine a brisé le siège de l'armée française    Eliminatoires CAN féminine 2026 : Entraînement tactique pour les Vertes    Présentation d'un florilège de nouvelles publications    Championnat national hivernal d'athlétisme : Nouveau record pour Bendjemaâ    La nouvelle FAF veut du nouveau dans le huis clos    Réception de la majorité des projets «fin 2025 et en 2026»    Foot/ Ligue 1 Mobilis (17e J) PAC-MCA : le "Doyen" pour creuser l'écart en tête    Un Bastion de l'Élite    Les candidats appelés à respecter l'éthique des pratiques politiques        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Beaucoup de choses à nous dire...
ESTHETIQUE DE BOUCHER DE MOHAMED MAGANI
Publié dans L'Expression le 21 - 04 - 2010

Ce n'est hélas pas une fable où l'on «demande aux poissons s'ils sont heureux dans la mer» comme dit Sobhia Bent Elhess, le meddah de Temoulga.
L'ouvrage Esthétique de boucher (*) de Mohamed Magani peut paraître surprenant, et d'abord par son titre dont les deux termes, en apparence de sens contraire, réunis dans le même syntagme, évoquent quelque peu une figure de rhétorique qui pique la curiosité du lecteur. Ensuite, comme jamais auparavant, nous sommes placés face à une mémoire collective indivise, face aux événements «oubliés» du premier temps de l'indépendance. Une période, en partie triste et douloureuse, une sorte de tabou, enfoui volontairement dans les consciences, pour ne pas gâcher la victoire de notre jeune histoire du pays libéré que nous fêtions, pourtant dans l'allégresse, car c'était aussi et surtout un honneur et une chance d'avoir enfin vu l'Algérie indépendante.
Mohamed Magani est né, en 1948, à El Attaf, petit village entre Aïn Defla et Chleff. Il a étudié à l'université d'Alger et à l'université de Londres, puis a enseigné de 1985 à 1995 au Centre national pour la formation des enseignants et à l'université d'Alger. De 1995 à 1999, il est «writer in residence» à Berlin. De retour en Algérie, il est conférencier en sciences sociales à l'université d'Alger et, en 2007, il est président du centre PEN Club d'Algérie. Ecrivain, Mohamed Magani a déjà publié plusieurs ouvrages littéraires (romans, nouvelles, études) sur la société algérienne postindépendance parmi lesquels: La Faille du ciel (1983), An Icelandic (1993), Un Temps berlinois (2001), Le Refuge des ruines (2002), Une Guerre se meurt (2004), La Fenêtre rouge (2009).
Dans son Esthétique de boucher, Magani entreprend avec lucidité et courage le récit d'une vie de souffrance, une parmi d'autres, de citoyens algériens (intellectuels ou manuels) injustement mis à l'écart de la vie sociale normale. En cette première décennie de l'indépendance «où tout était vacant dans le pays libéré», hélas! la course aux postes, la course au militantisme, la course au pouvoir local, la course à tout prendre, a révélé des concurrents nouveaux sans «état d'âme», dévorés par l'ambition malhonnête, mesquins, envieux et sournois, n'hésitant pas à dénigrer leurs meilleurs amis, à user du trafic d'influence, de la délation, de la jalousie pour se donner le mérite qu'ils n'auraient pas pu avoir même en rêve! Beaucoup de nos braves citoyens de la Révolution portent encore en eux les stigmates moraux des humiliations subies.
L'ouvrage de Mohamed Magani s'impose par la qualité du sujet, fortement réaliste, et par l'ampleur et la profondeur du récit, quoique l'exposé soit trop compact et le style trop lourd par rapport aux belles lancées expressives ici ou là poétiques, ici ou là fantaisistes à merveille. Originaire de la ville de Lattifia, un boucher, surnommé Chafra Elgatâa, nous fait la narration d'un événement incroyable dont il a été la victime. Il aurait assassiné le tout premier maire du village. Il nous livre avec une simplicité émouvante, une sincérité absolue sa dramatique mésaventure: «Il m'importait peu d'être interpellé par un surnom lié à mon métier avant l'événement qui me fit quitter Lattifia, mais après, des années après, à vrai dire je ne pouvais m'empêcher de penser à ce que des hommes avaient en tête. À chaque connaissance rencontrée, je répétais les mêmes arguments: "Vous vous trompez. Je n'ai tué personne mes frères, ce n'est pas moi!" La solitude à laquelle on m'avait contraint, les silences faussement polis, les regards obliques, les chuchotements qui me lacéraient le dos, les comportements aquatiques, tout en lenteur, générés par la nonchalance, l'oisiveté ou simplement l'ennui de la vie dans le village me firent perdre l'illusion d'ouvrir une nouvelle boucherie et d'épargner à mes enfants les conséquences d'une tare dont ils mesuraient les effets parmi leurs camarades à l'école, dans la rue, et presque toujours au sein de leur famille. Mon épouse, la brave femme, n'avait aucun doute sur mon innocence, aussi, rarement en ma présence, fustigeait-elle les fanatiques de l'idée du boucher meurtrier, les gens du bled Ya Latif - sa déformation acerbe de Lattifia - qui me prirent pour cible depuis que l'un des coutelas de ma boucherie fut découvert près du cadavre du maire.» Pour le narrateur, la question reste posée et doit avoir la réponse juste, c'est-à-dire «honnête», qui le laverait de tous les soupçons. Car lui, il était juste et honnête dans son métier et dans ses relations avec les clients. Il se devait impérativement de mener sa propre enquête. «Comment le coutelas disparut de la boucherie, resta une énigme pendant des années. Jusqu'au jour où je retrouvais l'homme qui avait (irréfutablement) établi mon innocence devant les juges de Lasnam: le chef de la brigade de gendarmerie de Lattifia.» Toute l'affaire aurait commencé avec l'absence de l'Autorité officielle, ou du moins lorsque ses représentants manquaient à leur devoir sacré de protéger les citoyens: «Les affaires louches, maffieuses des gendarmes qui vivaient sur le dos des bouchers, des épiciers, des marchands de légumes, des cordonniers, la liste pourrait correspondre à presque toutes les activités commerciales [...]. Il faut dire aussi que des détaillants et des grossistes avaient eux-mêmes commencé à soudoyer les gendarmes dès leur installation au village [...] À cette époque, quelques longues années de la postindépendance, les combattants descendus des montagnes ou venus de l'étranger furent accueillis en héros, puis très vite devinrent des super-citoyens à l'autorité morale discutée surtout dans les villages. Nous n'avions pas encore un commissariat de police, les policiers apparurent plus tard.»
Cela dit, n'était cette plaie atroce que notre pays avait connue dès sa renaissance, l'histoire du boucher de Lattifia aurait été fabuleuse, cocasse, truculente... Mais enfin aujourd'hui, les temps sont heureusement bien changés, et s'il reste encore quelques scories de cette période difficile, l'Algérie souveraine ne manquera pas de rendre sa justice. C'est le message d'espoir de l'Esthétique de boucher de Mohamed Magani; ce message est d'une grande et «sulfureuse» poésie, un esthétisme de vérité dont on pourrait tirer un sentiment de plaisir. Là également est un oxymore fantastique, vous savez...cette figure de rhétorique qui concilie les contraires!
(*) Esthétique de boucher de Mohamed Magani, Casbah Editions, Alger, 2009, 282 pages.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.