Image La peinture de Baya s?organise autour du personnage de la femme, curieusement incarné. Dans l?imaginaire des peintres orientalistes, la femme algérienne est évocatrice de sensualité en faisant référence à l?érotisme. Toutefois, l?approche de la femme diffère d?un imaginaire à un autre ; elle revêt d?autres apparences sous le pinceau des peintres femmes, notamment algériennes qui, sous l?effet de leurs pulsions intérieures, projettent sur leur toile, dans un décor fantasmagorique, un personnage singulier, surprenant, irréel, magique. Ce personnage «naïf» apparaît dans un monde magnifié par une inspiration candide, rêveuse ; un monde où sont transmises des émotions palpables grâce aux belles couleurs chromatiques, remarquablement mises en évidence par des configurations féeriques. La femme apparaît autrement, dans des imaginaires féconds et créatifs, ayant pour seul souci de générer d?autres images que celles réalisées par les peintres orientalistes. L?une de ces peintres femmes, qui ont su représenter la femme algérienne, était Baya. Sa peinture s?organise autour du personnage de la femme curieusement incarné. L?observateur est d?emblée saisi par la puissance de l?innocence qui s?en dégage. Un geste naïf, ingénu, chargé d?émotion. Il est vrai que l?artiste imprégnait chacune de ses toiles de sa sensibilité créatrice en mettant en scène un univers féerique ; un imaginaire abondant de couleurs aux formes saillantes. Baya transférait, d?un geste certes naïf mais subtil, son imaginaire sur le tableau, une surface sur laquelle se crée, à mesure que le geste progresse dans son périple, accomplit sa trajectoire, un monde végétal. De cette végétation luxuriante naît Baya telle qu?elle se voyait dans ses rêveries ou encore dans ses songes nocturnes. Par la puissance de son imagination, elle se métamorphose, renaît autrement sur la toile du tableau. Un monde nouveau l?accueille, l?adopte. Baya fait désormais partie de ce décor créé uniquement de matière végétale. Son personnage apparaît dans une attitude distinguée, élégante ; le visage noble ; le regard perçant, élevé ; le sourire discret. L?autre caractéristique qui impressionne notre regard médusé par l?allure, les lignes qui tracent la silhouette de Baya dans son univers pictural, c?est que ce personnage prend des formes animales, s?apparente tantôt à un oiseau, tantôt à un poisson, parfois aux deux. Un personnage hybride. L?on parle d?emblée de femme-oiseau ou de femme-poisson. Un être surnaturel comme sorti d?une fable, d?une légende, ou encore d?un conte pour enfant. En ce sens, les peintures de Baya sont un récit fantastique, un conte relatant une histoire pleine de formes, de couleurs et aussi de saveurs exotiques, poussant au rêve, aidant à l?élévation à un autre monde, celui de l?enchantement et du pittoresque, du merveilleux et du magique. Baya a créé, à l?aide de son imaginaire, un monde tel qu?elle le concevait, un univers construit sur le beau et l?amour. D?ailleurs, elle cultivait le culte du beau et du merveilleux, deux éléments qui alimentent ses peintures et structurent son univers. Ses peintures donnent la drôle d?impression qu?elles se ressemblent, alors que si l?on dirige un regard attentif, examinateur, sur chaque tableau, l?on peut aussitôt constater le contraire ; il s?agit simplement d?une sorte d?hallucination, d?effet d?optique. Les peintures de Baya se ressemblent, mais divergent, telle est l?autre particularité qui les caractérise. Elles diffèrent dans la composition, mais se ressemblent dans l?apparence et l?allure. Le personnage de la femme est récurrent, il se présente toutefois différemment d?une peinture à l?autre, un personnage idéalisé, sublimé par un imaginaire généreux, un imaginaire dont la capacité consiste à transfigurer l?être, le présenter selon de nouvelles modalités créatrices, esthétiques?