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«Toute conscience est douloureuse»
ENTRETIEN AVEC RACHID BOUDJEDRA
Publié dans L'Expression le 21 - 04 - 2010

L'auteur de La Répudiation ou encore Fis de la haine, évoque avec nous, ici, son dernier roman hanté d'images de la guerre de Libération nationale et donne son avis sur ce qu'on pourrait appeler aujourd'hui «l'Affaire Camus».
L'Expression: Dans votre nouveau roman Les Figuiers de barbarie, vos personnages sont imbriqués dans la grande histoire. Ils y sont attachés même parfois directement. Vous leur attribuez même certaines actions liées à la guerre d'Algérie. Ils ont pour ainsi dire une relation assez étroite avec. Où se situe la part de fiction par rapport au réel dans ce roman?
Rachid Boudjedra: C'est comme dans tout roman autobiographique. Il y a donc beaucoup de réalités. J'appartiens à l'école autobiographique. Beaucoup de choses sont absolument vraies. Le côté fiction est d'avoir imaginé une histoire qui se passe en une heure dans un avion. Donc, c'est l'unité de temps et d'espace puisque cela se déroule dans un avion. C'est un espace clos, donc neutre. Ça, c'est l'imagination, le style qui est basé sur la structure. Sinon, le reste c'est une histoire absolument vraie. Je fais partie de cette génération qui est montée au maquis. Je rencontre quelqu'un qui a fait le maquis comme moi, qui a fait des études en 1962, après l'Indépendance comme moi. Il est devenu quelqu'un de connu. Quand on a eu un père commissaire divisionnaire à Batna pendant la guerre, qu'est-ce qu'on en fait? Je pense que les enfants de ce personnage qui est vrai, vont savoir que leur grand-père était un flic. C'est-à-dire qu'ils ont eu aussi un oncle qui a fait partie de l'OAS. Ce sont des choses qui restent dans les familles et la mémoire collective. Souvent, elle est camouflée, étouffée, non-dite! Mais de temps en temps, il y a des explosions. Cela donne des schizophrènes. Des psychopathologies familiales. Ceci est la part de la fiction. Je peux dire que tout ça est très réaliste. On considère Boudjedra pas comme un écrivain réaliste, car je ne dis pas «sujet, verbe, complément», bien au contraire, je colle à la réalité. Vous-même vous pensez à la guerre de Libération, vous en faites des cauchemards, même si vous ne l'avez jamais vécue. On vous en a parlé, vous avez lu des livres. Regardez les Israéliens aujourd'hui, après 70 ans, la Shoah continue à hanter les mémoires, il y a des romans et des films sur ça. Les Allemands, les Américains font des films dessus, tous les jours. Et nous, nous n'avons rien fait. L'histoire de la guerre d'Algérie ou du colonialisme, est là!
Votre roman est tout de même traversé d'une profonde désillusion. A la page 30, vous évoquez «l'ambiguïté de l'histoire». Vous émettez des doutes. Un peu plus loin, vous écrivez même: «Cette révolution qui nous a trahis». Etonnant!
Pas seulement la nôtre. Cela s'applique à toutes les révolutions. Toutes les révolutions finissent par se trahir, au moment où elles gagnent. C'est quasiment une loi universelle. C'est un roman, effectivement, de la perplexité, du doute. Ces deux personnages qui font le maquis sont perplexes par rapport à un bilan. C'est aussi un roman-bilan. Aujourd'hui, ce sont deux personnages qui ont réussi socialement. Ils sont devenus, un architecte pour l'un, et chirurgien pour l'autre. Mais ils sont malheureux. Ils sont dans l'angoisse. Malgré leur réussite sociale, leur vie est ratée et ce, malgré qu'ils aient fait le maquis. Hegel dit que toute conscience réelle est malheureuse. Toute conscience doit être douloureuse. Je crois que ces deux personnages-là sont malheureux malgré qu'ils aient tout fait pour être heureux, pour réussir. Ils n'ont pas ce sentiment d'avoir fait leur devoir. La guerre d'Algérie a été une horreur. Ce n'est pas une épopée. La réalité est tout autre. J'y ai participé et je la connais très bien de l'intérieur. J'ai vu des choses et j'en ai subi même. C'est une guerre terrible. Nous avons subi. Du côté algérien, il y a des choses terribles qui ont été faites. C'est tout à fait normal et naturel. Le contraire aurait été impossible.
L'obsession de l'histoire habite quasiment tous vos romans dont le dernier Hôtel Saint-Georges (2007). Pourquoi l'histoire vous fascine-t-elle autant?
L'histoire humaine du monde entier me fascine de façon générale. C'est peut-être l'âge. Notre génération a été complètement là-dedans. Et nous sommes restés encore des nationalistes presque primaires. J'en suis fier et content. En même temps je ne donne pas de leçon dans mes romans. Pas du tout. J'essaie de donner du plaisir et de l'émotion. Seulement, ce n'est pas plus mal qu'un jeune, grâce à ce roman, puisse comprendre qu'il y a des gens qui ont fait la guerre et qu'aujourd'hui, ils sentent qu'ils ont échoué. Que leur vie a été un échec. Que leur guerre a été un échec. C'est normal. Je dirais que c'est un échec fécond. Positif. Ce fut une expérience fantastique. Nous avons vécu une vie formidable que personne n'a connue. Aucun jeune aujourd'hui ne peut vivre ce que j'ai vécu moi. Vous savez, quand vous avez fait la fête toute la nuit, le lendemain matin, vous avez comme un arrière-goût amer. C'est un peu ça. Vous vous dites: «Et après?»
Enfin, dernière question qui n'a rien à voir avec votre roman. En tant qu'intellectuel algérien, que pensez-vous de l'affaire Camus, sachant que les détracteurs de la «caravane» ont eu gain de cause puisqu' ils ont réussi à stopper son arrivée en Algérie?
Je trouve que ceux qui ont voulu la faire sont des idiots et ceux qui l'ont arrêtée sont des idiots aussi. On donne énormément d'importance à Camus, qui est un écrivain français que nous aimons comme écrivain tout simplement, quelle que soit sa nationalité. Mais il n'est pas un écrivain algérien comme on veut nous le faire croire. Ceux qui ont initié cette caravane sont ridicules. Il fallait les laisser faire. S'il y a des Algériens qui croient que Camus est Algérien, eh bien, qu'ils le croient, qu'ils le pensent. C'est leur droit. Moi, je ne le pense pas du tout. Camus est un écrivain français qui aime l'Algérie physique, et son Algérie à lui, c'est-à-dire pied-noir. Il n'a jamais écrit sur les Arabes ou sur les Algériens. Je trouve qu'en politique, il faut toujours savoir prendre des décisions. Il y avait beaucoup de pieds-noirs comme lui qui ont pris position à l'époque. Je pense à Jean Sénac par exemple, qui était tout aussi un grand écrivain que Camus, sauf qu'il n'a pas été nobélisé. Camus a été Français avant tout. Il avait peut-être une sorte de compassion pour les Algériens. Oui, effectivement. Une compassion ça ne suffit pas. Maintenant, moi j'aime beaucoup certains textes de Camus. C'est un écrivain très laborieux. La Peste est un roman complètement raté. J'aime la moitié de L'Etranger, le début. La deuxième partie du roman relative au procès est nulle. C'est fatigant. Quant au début, c'est pas mal du tout. Comme disait Sartre, «Camus est un écrivain pour classe terminale». C'est vrai. Il est très lu aujourd'hui en France par une frange d'âge entre 15 et 20 ans. Il a voulu être un philosophe, il na pas été. Ce n'est pas un grand écrivain, mais un bon écrivain quand même.


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