• ‘'Les figuiers de barbarie'', Rachid Boudjedra, Roman, prix public : 600 DA. Difficile pour Rachid Boudjedra de pondre un roman sans y mettre dedans, fut-ce en usant de lointaines allusions, la Guerre de Libération, ou, dans une plus large mesure, l'histoire de l'Algérie colonisée. Et ce, même si l'auteur se garde de le clamer tout haut. C'est vous dire l'impact- ou à proprement parler, le cratère- profond qui loge au fond de son âme meurtrie par les affres indélébiles perpétrées par la «civilisation du tout positif». Pour autant, dans son dernier roman, ‘'Les Figuiers de Barbarie'', paru tout recemment aux éditions Barzakh, il n'a pas été d'une plume historique, remuant dans les miasmes et les cloaques de l'une des colonisations les plus barbares que l'humanité n'ait jamais connu jusqu'ici. Mais tout juste, pour nous parler dans une langue forte, dure, voire obsessionnelle, des angoisses, encore à fleur de peau, causés par cette guerre et qui restent loin, très loin d'être résolues. Des angoisses qui frappent en plein cœur, bien des années après l'indépendance, d'Omar, un valeureux combattant de l'ALN dont le père, officier dans la police française, et le frère, membre de la sanguinaire OAS, ont pris, eux, le chemin inverse, projetant le jeune Moudjahid dans une procession de questions, de tiraillements mais parfois aussi des remises en question. Si la Révolution comme telle, n'a pas constitué le nœud gordien de l'ossature du texte, il faut bien dire que l'auteur de la ‘‘Répudiation'', ne s'est pas privé de soulever ici et là, des événements douloureux, suscitant à ce jour de farouches querelles entre les historiens. Un roman à lire, à relire, mais surtout à méditer, pour ne pas dire enfin, à s'immerger dans ses textes profonds, marqués par des questionnements multiples aux relents existentiels. C'est peut-être là, le fondement même de la prose Boudjedrienne, dont le point d'interrogation a de tout temps accompagné sa riche bibliographie. En un mot comme en cent, on ne sort jamais indemne de la lecture de ce grand écrivain. Et c'est tant mieux !