«Aujourd'hui, tamazight doit être constitutionnalisée comme langue officielle», dixit Boudjedra. Le pionnier des écrivains algériens a été l'hôte de la ville de Tizi Ouzou, avant-hier. Venu pour dédicacer Les Figuiers de Barbarie (éditions Barzakh), Rachid Boudjedra s'est retrouvé devant une assistance qui voulait assouvir sa curiosité intellectuelle. Boudjedra s'est étonné que dans la région de Tizi Ouzou, certains continuent à penser que sa position par rapport à la langue amazighe serait ambiguë. Aussi, affirmera-t-il, qu'il a de tout temps été pour la reconnaissance de la langue amazighe: «Aujourd'hui, tamazight doit être constitutionnalisée comme langue officielle», a-t-il suggéré. Effectivement, l'écrivain Rachid Boudjedra a reconnu qu'il y avait un malentendu entre lui et cette région au sujet de sa position par rapport à la question centrale de la langue berbère. L'écrivain a, toutefois, assumé sa position contre les mouvements extrémistes qui se cachent derrière l'identité amazighe pour revendiquer l'autonomie de la Kabylie. «Il n'y a pas d'Algérie sans la Kabylie et il n'y a pas de Kabylie sans l'Algérie.» S'attardant encore sur les sujets spécifiques à la région de Kabylie, Rachid Boudjedra en réponse aux questions des présents, a précisé que la trame de son roman est inspirée de faits réels. Une grande part du récit est tirée du vécu des deux personnages principaux mais le romancier, en écrivant, a toute la liberté et latitude de laisser libre cours à son imagination. Des lecteurs présents à la librairie Djurdjura livres et ayant lu Les Figuiers de Barbarie ont interrogé explicitement l'auteur s'il avait des preuves au sujet de ce qu'il écrit sur l'assassinat de Abane Ramdane. Rachid Boudjedra a d'abord regretté un peu, qu'à la sortie d'un roman, on accorde plus d'intérêt aux événements racontés dans le livre plus qu'à l'aspect littéraire de ce dernier. Toutefois, il n'a pas nié que même ce genre de débat pourrait permettre un certain enrichissement pour peu que les échanges d'idées se déroulent dans la sérénité et le respect. Mais, a-t-il enchaîné, il ne faudrait pas oublier que son roman n'est pas un roman historique, puisqu'il n'y est pas seulement question d'évoquer un événement important de l'histoire. «Dans mon nouveau roman, je parle de la déception de deux hommes qui ont eu une vie riche et pleine; qui ont participé à la guerre pour libérer l'Algérie, qui ont fait des études poussées dans les plus grandes universités du monde», étaye Rachid Boudjedra. Mais les deux amis, au crépuscule de leur vie, constatent avec amertume, que tout ce parcours, ils l'ont fait pour rien. Les deux amis se rencontrent dans un vol Alger-Constantine et pendant une heure, il revisitent leur enfance, leur adolescence, leurs amourettes, et leur participation à la guerre. Revenant sur les points ayant suscité la polémique, à savoir l'assassinat de Abane, Rachid Boudjedra a expliqué qu'il est incontestable que Abane Ramdane, Amirouche, Boussouf et Krim Belkacem sont de grands héros de notre révolution. Mais il ne faut pas oublier, en même temps, qu'ils sont des hommes. «Mon roman aurait pu s'intituler: Les héros sont aussi des hommes», a souligné l'auteur. A la question de savoir si le fait d'évoquer l'assassinat de Abane Ramdane de façon directe dans son roman n'était pas fait sciemment afin de susciter justement cette polémique et permettre? à son roman d'avoir un meilleur écho, Rachid Boudjedra dira: «Je ne suis pas le genre d'écrivains qui visent à avoir de grandes ventes. Je suis un auteur qui s'adresse plus à l'élite et quand bien même j'aurais eu cet objectif, il y a d'autres méthodes pour le faire.» Rachid Boudjedra a expliqué qu'il a refusé de polémiquer à la suite de la sortie de son roman en s'abstenant de répondre à toutes les attaques dont il a fait l'objet. De même qu'il est revenu sur son long parcours d'écrivain, sur son premier roman La Répudiation. Ce dernier demeure un livre culte à ce jour avec plus de quatre millions d'exemplaires vendus à travers le monde, depuis sa parution. Rachid Boudjedra s'étonne un peu du succès que continue d'avoir ce premier roman alors que pour lui, il a écrit encore d'autres romans beaucoup plus réussis. Rachid Boudjedra estime que son meilleur roman demeure Le Démantèlement.