La pénurie d'essence ne tardera pas à s'installer si la grève des cheminots se poursuit. «Le mouvement de grève des cheminots est tout à fait logique». La phrase est de Abdelmadjid Sidi Saïd, secrétaire général de l'Ugta. Il s'exprimait de la sorte en marge de la réunion du conseil général de l'Organisation de l'union syndicale africaine tenue hier à Alger. Elle est même légale au vu de la légitimité des revendications des travailleurs, a-t-il poursuivi. Il appelle à des négociations avec la direction générale de la Sntf. «Il ne faut pas oublier que la Sntf a un problème de trésorerie et il faut trouver un consensus pour que l'augmentation salariale ne handicape pas les capacités de l'entreprise», ajoute-t-il. Il faut un arbitrage dans lequel doivent s'impliquer le ministère des Transports et le secrétariat national des conflits sociaux. Ce secrétariat est présidé par Achour Telli. Le secrétaire général ne veut donc plus s'impliquer dans le conflit. Cette prise de distance dénote un malaise au sein de la hiérarchie de l'Ugta qui demeure divisée en clans. Même si certains soulignent que le secrétaire général agit en coulisses. «Il faut instaurer un dialogue pour que le travail reprenne dans les chemins de fer», estime-t-il. Cet optimisme est loin d'être partagé par Abdelhamid Derradji, le secrétaire général de la Fédération des cheminots. Selon lui, il est peu probable que les mécaniciens et autres personnels puissent reprendre le travail sans arracher leurs droits. Le secrétaire national chargés des conflits sociaux, Achour Telli, admet que l'Ugta n'a aucune emprise sur les grévistes. Et que le ministère des Transports fait la sourde oreille, au propre comme au figuré. Nous avons appris que le secrétaire général du ministère ne répond même plus aux appels téléphoniques des syndicalistes. Le ministre a même été destinataire de deux lettres du syndicat sans qu'il daigne y répondre. C'est une marque de mépris envers les travailleurs et les usagers du service public, estiment les syndicalistes. Ils s'étonnent du peu d'intérêt du gouvernement aux mouvements de grève des travailleurs. Pourtant, il n'y a pas que les travailleurs et les étudiants, en plein examens, qui sont pénalisés. Les stations-service risquent d'être à sec assez rapidement. Les carburants sont acheminés par wagons avant d'être transportés par camions vers leur destination finale. Les walis commencent déjà à transmettre des rapports au Premier ministre sur les risques de pénurie d'essence. Tout le trafic assurant le transport des céréales et des matières premières pour les usines, comme c'est la cas à El Hadjar, est aussi paralysé. Aucune marchandise ne sort des ports par train. Le seul soulagement est que la flotte des camions est importante et peut suppléer ce manque. Le plus grave est que cette grève aurait pu être évitée si la Sntf avait appliqué les dispositions de l'avenant de la convention collective disposant que le salaire minimum ne peut être inférieur au Snmg de 15.000 dinars. Le DG de la Sntf répond aux travailleurs que la société est dans l'incapacité d'honorer ses engagements pris par écrit. Tout le monde admet que les cheminots ont raison mais tout le monde leur demande de se taire. Si la direction leur propose un échéancier pour obtenir des augmentations graduelles jusqu'à hauteur de 20% du salaire actuel, la situation pourrait se débloquer, selon le secrétaire général du syndicat. La balle est dans le camp de Amar Tou, ministre des Transports. Sur la question des finances, les syndicalistes signalent que l'Etat a accordé 18 milliards de dollars à une société chargée des réalisations dans les transports ferroviaires et ne comprennent pas pourquoi il n'y a pas de sous pour la Sntf. Ni pourquoi on décide de revoir les accords de branches s'il n'y a pas d'argent pour financer les hausses des salaires.