Plusieurs témoins se sont succédé pour dire l'homme complexe et passionné, l'urbaniste, l'écrivain, le théoricien et l'artiste-peintre qu'était cet homme modeste. Un an après le décès de l'architecte suisse, Jean-Jacques Deluz, le 30 avril 2009, des amis, collègues, anciens étudiants se sont proposés de lui consacrer un après-midi d'évocation, et une soirée de réflexion. Pour dire Deluz l'architecte, mais aussi, l'urbaniste, l'écrivain, le théoricien, l'artiste-peintre et enfin le chroniqueur.En somme, un homme multiforme, bourré de talent. Il s'agira surtout de se souvenir de l'homme et de ses engagements dans la construction de l'Algérie indépendante, de sa rigueur et de son éthique. Pour se faire, les éditions Barzakh ont organisé deux jours dédiés à sa mémoire. La première à Dar Abdelatif en partenariat avec l'Agence algérienne du rayonnement culturel.A cette occasion, un ensemble de panneaux récapitulant le parcours de Jean-Jacques Deluz étaient présenté au public. Plusieurs intervenants, amis et proches de Deluz ont pris la parole. On citera de prime abord, le sociologue Rachid Sidi Boumediene qui rappellera les valeurs de cet homme intègre qu'était Deluz qui, hélas s'est fait malmené par la vie. Un homme à principe qui est toujours resté fier, refusant l'aide des autres, même dans le besoin. M.Sidi Boumediene rappellera les travaux de Jean-Jaques Deluz, notamment dans la défense de notre patrimoine et de la Casbah. Il soulignera à propos de ce Suisse, «algérien» par le coeur, ses deux caractéristiques essentielles à retenir: l'engagement militant pour sa profession et la rigueur dans son travail. Pour sa part, la photographe Françoise Saur (photographe des projets de J-J. Deluz, notamment celui de Sidi Abdallah) évoquera l'ouverture d'esprit de Deluz et son appartenance à la poétique surréaliste auquel il se référait. Faisant référence à sa pensée complexe qui se traduisait dans ses oeuvres, Mme Saur lira quelques extraits de citations de l'écriture de Deluz dont d'aucuns affirment qu'elle était simple et complexe à la fois. Pour l'architecte Larbi Merhoum, ancien élève de Deluz, ce dernier «nous enseignait l'architecture comme étant une responsabilité à même de donner un sens pour chaque acte que l'ont fait». Et de renchérir avec émotion: «C'est un constructeur de l'Algérie qui est parti».M.Larbi Merhoum lira, par la suite, un texte qu'il dit avoir écrit l'an dernier «d'une traite» suite à la disparition de Deluz. Un texte ponctué de souvenirs, de rencontres et d'anecdotes professionnelles drôles et touchantes. Il évoquera ainsi cette humilité chez Deluz de partager avec ses étudiants ses «incertitudes» tout en mettant l'accent sur cette «architecture de l'utile» que reproduit Deluz, cet «humaniste qui se distinguait par une grande générosité et le sens du progrès pour le plus grand nombre, "valeurs qui peuvent paraître suspectes de nos jours" a avoué M.Merhoum. Il témoignera, par ailleurs, d'un certain désarroi qu'a connu l'homme Deluz. Relayé par l'architecte Younès Maïza, celui-ci soulignera l'importance de relever la force de la pensée créatrice chez Deluz qui lui permettait de dépasser toutes les vilenies» qu'il a eu à subir durant sa vie. «Il ne refusait aucun projet. Il a énormément produit depuis 50 ans. Sa force créatrice était nourrie par le rêve qu'il a su nous transmettre. Il avait cette capacité de nous communiquer ce rêve. Il a surtout fait oeuvre pédagogique en nous donnant les clefs de son attitude et de son savoir. Il a maîtrisé son métier et a vécu comme un gagnant!». Beaucoup de témoins pour la plupart des architectes, se sont relayés parmi le public afin de nous dire, raconter avec affection des bribes de souvenirs partagés avec Deluz et marqués à tout jamais dans leur mémoire. Une jeune étudiante en médecine dira tout l'attachement pour cet homme qui lui a appris «à regarder la ville d'Alger, la tête haute». Cette journée a été aussi l'occasion pour les éditions Barkzakh de présenter le livre Le Tout et le fragment, paru à titre posthume. Ce bel ouvrage-repère, où alternent articles et croquis, regroupe la somme de réflexions menées par J-J. Deluz tout au long de sa carrière (de 1956 à 2007). En creux, c'est toute l'histoire de la construction de l'Algérie indépendante qui se dessine à travers ce livre riche et instructif. Hier, la suite de l'hommage devait se poursuivre en soirée au siège de la revue Vies de villes où elle devait regrouper une rencontre entre professionnels autour de l'oeuvre de Jean-Jacques Deluz.