Les projets de loi portant révision de l'ordonnance relative à la concurrence et de celle fixant les règles applicables aux pratiques commerciales, adoptés par le Conseil des ministres du 11 mai 2010, sont les bienvenus. Avant de les examiner brièvement, il est utile de rappeler que l'ordonnance du 19 juillet 2003 relative à la concurrence vise quatre objectifs: prévenir les pratiques restrictives à la concurrence; contrôler les concentrations économiques; stimuler l'efficience économique; améliorer le bien-être des consommateurs. Quant à la loi du 23 juin 2004 fixant les règles applicables aux pratiques commerciales, son but est d'instaurer la transparence et la loyauté dans les pratiques commerciales réalisées entre les agents économiques et entre ces derniers et les consommateurs, tout en assurant la protection et l'information du consommateur. Les textes répressifs actuels ne sont pas appliqués Il est impossible, dans le cadre limité de cette chronique, de faire le compte de toutes les violations auxquelles ces deux lois ont donné lieu, ainsi du reste que celles qui continuent de priver d'effet les dispositions de la loi du 14 août 2004 relative aux conditions d'exercice des activités commerciales. On peut toutefois, citer quelques chiffres inquiétants qui ont conduit le gouvernement à vouloir mettre un terme à une situation de plus en plus malsaine et de plus en plus préjudiciable à la santé et à la sécurité du consommateur. Refus persistant de quelque 66.000 opérateurs de déposer leurs comptes sociaux au registre du commerce sur plus de 94.000 sociétés soumises à cette obligation; 200.000 sociétés commerciales qui ont cessé toute activité n'ont pas encore été radiées du Cnrc; Un grand nombre de ces sociétés continuent de soumissionner pour les marchés publics et bénéficient de la domiciliation bancaire; Un grand nombre d'opérateurs (de l'ordre de plusieurs milliers) soit importent des marchandises sans intermédiation bancaire, soit ne les enlèvent pas une fois débarquées soit encore ordonnent à leur banque domiciliataire, le paiement de marchandises qui n'ont pas été expédiées et ne le seront jamais du fait que tout simplement, l'acheteur et le vendeur ne forment qu'une seule et même personne (ou enfin, dans le meilleur des cas les marchandises sont enlevées mais ne représentent qu'une quantité infime du volume commandé et payé). C'est le lieu de rappeler que l'imposition par la LFC 2009 du crédit documentaire pour les opérations du commerce extérieur, n'a pas été prise à la légère. Sauf à être accusé de collusion avec cette forme de criminalité organisée particulièrement dangereuse, le gouvernement a décidé de sévir en vertu des textes de loi dont la seule finalité - admise par tous -, est d'instituer de saines pratiques commerciales, pendant cette phase tumultueuse et encore incertaine de transition vers l'économie de marché. Les principales mesures sont les suivantes: Intervention de l'Etat pour fixer les marges et les prix des produits stratégiques en cas de hausse injustifiée ou de grave perturbation du marché; Obligation pour les producteurs et importateurs de biens et services destinés à la revente en l'état de déclarer la composition de leurs prix; Soumettre les agents économiques non tenus à la facturation de décliner un document indiquant le prix de cession des produits vendus; Obligation pour les commerçants de répercuter sur les prix de vente la baisse des coûts de production ou d'importation; Dès lors qu'il y a pratique commerciale illicite, relèvement des amendes, retrait temporaire du registre du commerce et faculté reconnue au juge de prononcer son retrait définitif en cas de récidive; Les agents économiques des secteurs de l'agriculture, de la pêche et de l'importation des biens pour la revente en l'état sont désormais assujettis au contrôle de la puissance publique. Garantir l'application de tous les textes Il est indispensable que le gouvernement se donne les moyens de faire appliquer les lois à venir, ce qui suppose la mobilisation de ressources humaines, matérielles et financières considérables, sans commune mesure avec celles qui ont été mises en oeuvre jusqu'à présent. Le gouvernement ne peut se dissimuler que ni la loi du 19 juillet 2003 relative à la concurrence, ni la loi du 23 juin 2004 fixant les règles applicables aux pratiques commerciales, ni la loi du 14 août 2004 relative aux conditions d'exercice des activités commerciales ne sont réellement appliquées. Il n'est pas jusqu'au décret exécutif du 10 décembre 2005 fixant les conditions et les modalités d'établissement de la facture, du bon de transfert, du bon de livraison et de la facture récapitulative, qui ne soit à ce jour resté lettre morte, en tout cas à l'égard de la plupart des agents économiques. Ceci veut dire qu'il ne suffira pas de publier au Jora des textes à l'architecture imparable; il faudra encore et surtout que les administrations habilitées soient dotées des moyens idoines d'imposer à l'ensemble des agents économiques (y compris les plus puissants d'entre eux qui ont tendance à se soustraire aux contrôles) de saines pratiques commerciales. Plaidoyer pour une amnistie fiscale générale Un dernier point. Beaucoup de commerçants souhaitent régulariser leur situation vis-à vis des impôts, de l'administration des Douanes, de la sécurité sociale et du registre du commerce, mais craignent à juste titre l'application de sanctions pour violation de la loi. Le moment n'est-il pas venu pour le pouvoir politique de prononcer une amnistie fiscale laquelle, pour être efficace, devra certainement être totale et non pas seulement partielle, c'est-à-dire qu'elle s'étende à l'ensemble des impôts, taxes parafiscales et cotisations rappelés et aux intérêts moratoires dus sur ces charges? Plusieurs pays (parmi des Etats de droit incontestables) ont déjà expérimenté une amnistie fiscale (généralement partielle et qui a donné des résultats satisfaisants). Pour à la fois faire repartir l'économie algérienne du bon pied, sensibiliser les agents économiques aux vertus des règles du marché (surtout dans la perspective de l'adhésion de l'Algérie à l'OMC), et garantir une application stricte des textes actuels et à venir, il paraît indispensable de permettre aux agents économiques en infraction, de solder définitivement leurs passifs vis-à-vis du Trésor grâce à une amnistie fiscale générale. (*) Professeur en droit des affaires [email protected]