Une fois de plus, Tlemcen se signale à nous par l'organisation de l'une de ses multiples associations scientifiques et culturelles, en l'occurrence Ecolymet: Association des Elèves de l'Ecole Primaire Supérieure, du Collège de Slanes, du Lycée et des Médersas. Voilà donc une Association créée depuis un quart de siècle qui a senti la nécessité d'entretenir la mémoire: sa devise étant: «Que nul n'oublie» et qui occupe un espace vide dont la nature a horreur et qui se propose de le remplir d'idées, de propositions, d'initiatives visant à être un acteur important de la vie scientifique et culturelle de la ville. Cette association s'est appropriée un certain nombre de sujets de faits historiques sous l'angle de l'hommage rendu à des «élèves» des différents écoles, collèges et lycées. C'est ainsi qu'en juin 2004, un hommage fut rendu au Colonel Lotfi: «Symbole d'une génération» mort à l'âge de 26 ans. Cette Association qui entretient dans les faits la mémoire, participe à sa façon à l'écriture de l'histoire non pas en imposant une lecture monolithique, voire partisane mais en apportant en honnêtes courtiers les faits tous les faits, rien que les faits La tradition n'a pas jailli du néant dans les années trente: Tlemcen était un centre de rayonnement culturel. On cite à Tlemcen la libraire Mustapha Baghli qui fut, selon Si Djelloul Baghli, un véritable cercle culturel où des personnalités de premier plan comme Cheikh El Bachir el Ibrahimi, Abdelkader Mehdad voire Messali El Hadj venaient en pèlerinage dans ce centre de documentation avant l'heure qu'était la Libraire Baghli. Le professeur historien El Korso aurait fait une étude sur cette librairie? Pour en revenir à ce véritable sacerdoce de ces forgerons du futur, on ne peut pas ne pas citer à défaut d'être exhaustif, le professeur El Hadj Taleb Bendiab qui fut l'un des artisans de la création de cette Association à nulle autre pareille. Dans un rapport moral sans concession, il fit une intervention remarquée sur l'histoire de l'association, ses réalisations ses hésitations et ses souhaits pour l'avenir. Le problème lancinant de la relève par les nouvelles générations semble être une préoccupation importante de l'Association. En effet, au-delà de la dynamique toujours renouvelée des retrouvailles, au-delà de thèmes sur l'histoire de la Révolution avec la participation de Tlemcen et de ses dignes fils, il est important que l'Association s'investisse dans les nouveaux défis du pays. Justement et dans le cadre de cette Manifestation, intitulée «10e Journée Retrouvailles», un programme très riche a été élaboré. Le thème «Jeunesse et Modernité» a vu après l'allocution de bienvenue du professeur Benyoucef, plusieurs conférences aborder ce thème sous différents angles d'attaque. Ce fut tout d'abord Monsieur Djelloul Baghli fondateur de l'Institut algérien du Pétrole, ancien ministre, qui fit un exposé parlant de son expérience de responsable de la formation pendant la Révolution et intitulé: «Formation supérieure à l'étranger, prônée par le Gpra durant la guerre de Libération», nous avons présenté les nouveaux défis qui attendent le pays. Un autre exposé fut fait par Sid Ahmed Bedjaoui que l'on ne présente plus, qu'il nous suffise de dire qu'il a bercé notre imaginaire avec la mythique émission «Les Deux Ecrans». Son exposé intitulé «Jeunesse, modernité et communication» fut bien apprécié. Une autre communication remarquable fut faite par le Docteur Amazigh Ryadh Dib, un jeune universitaire pétillant qui «osa aborder», le croyons-nous avec bonheur. La communication intitulée «Modernité, progrès ou décadence?», permit un débat riche, où naturellement la place de l'Islam fut interrogée et la notion de «modernité» fut séparée du progrès qui a une dimension universelle. Il nous été donné d'intervenir avec une conférence intitulée: «Les défis du futur et la place de l'Algérie». Nous avons, dans le même sillage de l'esprit de cette manifestation culturelle, tenté de planter le décor d'une Algérie qui a vu l'homme de Tifernine, il y a 1,7 million d'années, les différentes «civilisations préhistoriques», pour arriver à l'Homme de Aïn Hanech près de Sétif, à la protohistorique et à la Berbérie historique. Nous avons martelé, à l'intention des jeunes présents dans l'auditorium de l'université Abou Bakr-Belkaid, que l'Algérie a trente siècles d'histoire avérée. Que Massinissa battait monnaie, il y a 22 siècles, quand l'Europe émergeait des ténèbres aux temps historiques. Les écrivains berbères dont Apulée de Madaure (Mdaourouch), furent cités. Un rapide survol de l'histoire et de l'apport des différentes civilisations maghrébines, notamment scientifique, culturel du Royaume de Tlemcen à travers les Abdelwadite, nous permit d'arriver à Kheirddine Barberousse qui créa le premier institut universitaire à Constantine en achetant des manuscrits sur ses propres deniers, nous dit Léon l'Africain. Nous citâmes l'Emir Abdelkader qui réserva un traitement de faveur aux Tolbas dans leur mission d'enseignement. Nous avons fait le point de l'aspect positif de la colonisation en comptabilisant le millier de cadres formés en 130 ans. C'est dire si à l'indépendance tout était à faire, et comment la massification était inévitable amenant naturellement à une détérioration du niveau. D'autant qu'il faut le dire, 26 nations contribuaient à formater l'imaginaire de nos enfants avec les dégâts que l'on connaît. Nous avons, dans la dernière partie de notre intervention, fait le point des défis du futur qui se doivent d'être pris en charge. Pour faire court, il s'agit du défi énergétique: «comment sortir de la malédiction du pétrole, du défi, de l'eau, de l'environnement et enfin de la sécurité alimentaire». Un débat riche s'en est suivi et a suscité beaucoup de questionnements. Le mérite de l'Association a été de servir justement de trait d'union intergénérationnel. Ce fut un réel plaisir de voir toutes ces compétences contribuer à conforter l'image d'une ville qui a l'ambition de demeurer le pôle d'un savoir apaisé d'une culture de la tolérance et ce n'est pas par hasard que Tlemcen a le lourd privilège d'organiser l'année de la culture musulmane en 2011. La chance de Tlemcen c'est son vivier de savoir et de compétence, déjà décrit par Ibn Meryem Ec Cheryf El Mility dans le fameux «El Boustane» au Moyen-Age. Puissent les autres régions du pays, tout aussi prestigieuses par leur passé, prendre exemple. Nous ne pouvons que souhaiter bon vent à cette Association qui contribue élégamment à la vie de la cité.